La déification du médiocre : sait-on encore ce qu'est l'art ?

La différence entre un chef-d’œuvre et une œuvre sans intérêt ? « Un peu d’oreille suffit à l’entendre », disait Pierre Jourde dans son essai La littérature sans estomac. Sommes-nous tous devenus sourds ? Toujours est-il qu'on n'a jamais autant encensé des œuvres insignifiantes ou moyennes. Simple effet de mode ou mal plus profond ? Alors que Francky Vincent a récemment été nommé chevalier des Arts et des Lettres, il n'est pas inintéressant de se poser la question.

publié le 28/12/2022 Par Samuel Piquet
La déification du médiocre : sait-on encore ce qu'est l'art ?

Cet article a été co-écrit avec le journaliste indépendant et critique d'art Mikaël Faujour.

« Sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de vieille et grande culture, un “auteur” peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la “critique” de le porter aux nues, le public la suivre docilement ? », se demandait le philosophe Cornélius Castoriadis qui, en tant que grand connaisseur de la Grèce antique, ironisait :

« Comparez l'éducation que recevaient les citoyens (et les femmes, et les esclaves) athéniens en assistant aux représentations de la tragédie, et celle que reçoit un téléspectateur d'aujourd'hui en regardant Dynasty et Perdu de vue. » (1)

Et c'était avant Loana, Hanouna et Morandini...

Le frisson des élites

Si l'adulation des médiocres n’est pas nouvelle, que penser lorsque celle-ci est le fait d’intellectuels ou de gens se présentant comme experts dans leur domaine ? Au moment de la sortie du dernier album d’Aya Nakamura, Le Figaro s’extasiait devant « cet univers langagier inédit ». Quant à la linguiste Aurore Vincenti, elle expliquait à France Info à quel point l’œuvre de la chanteuse contribuait à l'enrichissement de la langue française : « Une langue qui se renouvelle, qui en son sein voit naître de nouveaux vocables, c'est une langue qui va bien ».

Pour être un ambassadeur de la langue française, il suffirait donc d'inventer des mots. Ainsi donc, lorsque Wejdene lance « Tu hors de ma vue », seuls les béotiens ne comprennent pas que, disciple d'Arthur Rimbaud, elle œuvre en poétesse à « trouver une langue. […] Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle […] ».

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