De Steve Jobs à Elon Musk, le portrait de l’entrepreneur génial, salvateur et visionnaire a progressivement conquis notre imaginaire. Doté d’un talent inné, il apparaît tout à la fois sous les traits d’un prophète s’efforçant de prédire les prochaines tendances, d’un sauveur mis au service de l’humanité et d’un artiste capable d’édifier un monde meilleur.

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Dans Le mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley (2023), Anthony Galluzzo révèle l’absurdité de ce récit. En glorifiant le mérite de l’entrepreneur – incarnation par excellence du self-made-man – les médias et les biographes contribuent à légitimer un système capitaliste intrinsèquement corrompu.

Ce qu’il faut retenir :

Dans l’imaginaire collectif, Steve Jobs et ses compagnons de la Silicon Valley se sont élevés au niveau des plus hautes sphères de la société grâce aux qualités exceptionnelles que la nature leur aurait généreusement offertes. La recette de leur réussite paraît simple : une pincée de génie, un pouvoir prophétique, des intentions salvatrices, un travail acharné et une volonté de fer.

Face à cette image idyllique de l’individu génial et salvateur se cache une tout autre réalité. Aux antipodes du self-made-man, Steve Jobs a bénéficié de conditions sociales et économiques extraordinaires, il a travaillé avec des collaborateurs sans qui Apple n’aurait pas pu voir le jour, et enfin, son entreprise tout entière repose sur l’exploitation forcenée de travailleurs étrangers, qu’il se garde bien d’approcher sous peine d’être associé aux malversations dont il est à l’origine.

Biographie de l’auteur

Anthony Galluzzo est maître de conférence en sciences de gestion à l’Université de Saint-Étienne. Auteur d’une thèse sur les fans de stars musicales, ses recherches portent principalement sur les imaginaires marchands et les cultures de consommation. En 2020, il publie La fabrique du consommateur. Une histoire de la société marchande, et retrace à cette occasion la transformation de la société paysanne autarcique dans laquelle nous vivions deux siècles auparavant en un monde de consommateurs urbains connectés. Dans son dernier ouvrage, Le mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley (2023), il s’intéresse à une tout autre figure du marché, celle de l’entrepreneur.

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