L'Union européenne est un « objet identifié non-politique ». Docteur en droit, auteur de « La Démocratie à l’épreuve de l’intégration européenne » (LGDJ, 2014) et, avec Armel Pécheul, de « Droit de la gouvernance de l’Union européenne » (IS édition, 2018), Christophe Beaudouin s’exprime, dans le cadre de cet entretien, à titre personnel.
Laurent Ottavi (Élucid) : Les critiques des souverainistes ou des altermondialistes contre l’Union européenne portent en grande partie sur le fait qu’elle n'est pas démocratique. Ont-ils raison ?
Christophe Beaudouin : En droit, l’Union européenne est une organisation supranationale établie par un traité et ses États-membres sont encore titulaires de la souveraineté. Comme le rappelle la Cour constitutionnelle allemande, l’Union ne répond pas à la définition d’un État souverain qui relierait un peuple unique à un territoire. Le préambule la définit comme un « processus visant à créer une union sans cesse plus étroite entre les peuples » (c’est moi qui souligne). Autrement dit, elle se définit par son propre mouvement, de centralisation continue des compétences, des administrations et intérêts nationaux, et non pas comme une institution achevée et stable.
Il est donc illusoire de rechercher dans son système institutionnel les critères classiques d’un État démocratique : la séparation des pouvoirs y fait figure de principe périmé ; la hiérarchie des normes y est confuse du fait que sa Cour de justice nie la valeur juridique des Constitutions et jurisprudences nationales ; la responsabilité politique de l’exécutif y est impraticable qui plus est en l’absence, rappelée par les juges de Karlsruhe, d’un « organe de représentation d’un peuple européen souverain ».
La perte de démocratie des nations européennes n'a donc pas pu être compensée par l’édification d’une démocratie supranationale de remplacement. Mais il est caricatural d’en tirer prétexte pour faire de l’Union le bouc émissaire de toutes les faiblesses et renoncements nationaux. En réalité, le manque de démocratie européenne est essentiellement le résultat de l’affaissement de nos démocraties nationales. Celles-ci sont les briques de base de celle-là.
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