Au fil des décennies, la construction européenne s’est nourrie d’un certain nombre de mythes censés susciter l’adhésion des citoyens. À l’image de l’inébranlable association entre la paix et « l’Europe » – la première découlant de la seconde selon une logique causale exactement inverse à la réalité historique –, ces mythes européens reposent toujours sur des croyances fausses, des altérations de sens plus ou moins conscientes; légitimées par le besoin de croire et d’espérer, quitte à entretenir dans les esprits une confusion attentatoire à la qualité du débat démocratique.
S’il est un enseignement à tirer des élections européennes à ce sujet, c’est la quasi-disparition du thème de « l’Europe sociale » dans les programmes et les discours partisans. Encore prégnant en 2019, quoique déjà sur le déclin, ce mythe achève de disparaître aujourd’hui sous nos yeux. Il s’agit là d’une évolution spectaculaire, à mettre sur le compte plus large de la dislocation de l’idéologie européiste, tout autant que sur celui de sa dimension utopique, que le temps a fini par révéler.
Feu l’Europe sociale
L’Europe sociale meurt en réalité de ne pas avoir connu le moindre début de réalisation, en dépit de l’importance rhétorique que lui ont accordée tous les partis de gauche en France depuis les années 1980. Un échec aussi franc produit nécessairement à terme un effet de révélation, qui oblige à renoncer en catimini, dans un silence tacite et coupable, à un idéal dont il faut se demander, rétrospectivement, si ceux qui en parlaient de manière grandiloquente tous les cinq ans y croyaient réellement.
D’autant que ce thème a toujours charrié des ambitions diverses. Initialement, l’Europe sociale devait être pour la France, une conséquence du supplément de croissance que la construction européenne, dans sa dimension économique, devait procurer à notre pays. Cette croissance augmentée devait permettre un progrès social général, dont les plus modestes auraient été les premiers bénéficiaires. Cet espoir a fait long feu lorsqu’il est apparu, à l’inverse, que le taux de croissance moyen de la France diminuait décennie après décennie après la création du Marché unique et l’instauration de l’Union économique et monétaire. En 2004 et 2007, les élargissements de l’Union à dix États d’Europe centrale moins développés ont renforcé encore cet état de fait, le dumping social et les délocalisations contribuant à l’affaiblissement de l’appareil productif français.
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