C’est une tradition nationale aux Philippines, en période électorale, les balles sifflent et les ventes de véhicules blindés explosent. Au figuré, « éliminer un rival » politique peut aller de soi, mais aux Philippines, l’expression se conjugue aussi au propre, et parfois cela vire à la boucherie. Dès lors, quand la vice-présidente Sara Duterte souhaite la mort du président Ferdinand Marcos Jr., non pas une fois, mais à deux reprises, on pressent que les élections de mi-mandat qui auront lieu en mai prochain seront sportives.
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À Davao City, les sinistres Davao death squad (DDS), véritables escadrons de la mort, pourchassent sans pitié trafiquants et consommateurs de drogue sur ordre du maire de Davao, Rodrigo Duterte, ex-avocat à la tête de la ville entre 1988 et 2016 (avec quelques interruptions durant lesquelles sa fille, Sara Duterte, a pris le relai). L’ordre est supposé régner et la délinquance y serait moindre qu’ailleurs. Las, les chiffres officiels contredisent l’aura construite autour de celui que l’on surnomme affectueusement « Duterte Harry ». Mais qu’importe, Rodrigo Duterte est devenu une légende urbaine, un dur qui n’aurait pas hésité à défenestrer d’un hélicoptère un trafiquant de drogue.
Même sans se l’avouer ouvertement, quels parents ne seraient pas soulagés de voir quelqu’un se charger de la sale besogne en nettoyant les rues de ces bandes désœuvrées guettant l’opportunité de racketter leurs rejetons ? Peu. Et c'est peut-être cette détresse généralisée qui, en 2016, a en partie entraîné l'élection de Rodrigo Duterte comme président des Philippines. Sa campagne s’articulait sur un axe unique : il allait mener une « guerre à la drogue ». Cela allait « saigner » et pas qu’un peu.
Six ans de règne, plus de 6 000 morts et un président à la popularité inégalée
Rodrigo Duterte a tenu sa promesse électorale : au cours de son mandat unique de six ans (2016-2022), la chasse aux trafiquants et consommateurs de drogue fut quotidienne. Selon la Philippine Drug Enforcement Agency (FDEA), 6 252 délinquants ont été tués lors d’opérations de police. Si ce chiffre officiel peut paraître effarant, la réalité est autrement plus dérangeante. En effet, selon les détracteurs de la « guerre à la drogue », entre 20 000 et 30 000 Philippins auraient été liquidés au cours du mandat présidentiel de Duterte. En 2022, avec un certain cynisme, le porte-parole du palais de Malacañang (l’Élysée philippin) dressait ainsi le bilan de la politique présidentielle : « La guerre contre la drogue du président Rodrigo Duterte a entraîné une baisse très significative du volume de la criminalité de 64 % [...], la confiance du public dans la police a été restaurée ».
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