Pourquoi les chefs d’État de la Ve République ne parviennent-ils plus à être à la hauteur de leur fonction ? Après avoir analysé l’importance de l’incarnation en politique, en particulier dans le cas de la France, ce second article tente d’apporter une réponse à cette question. Tout homme ou toute femme porté(e) à l’Élysée est dans l’impossibilité d’incarner le Peuple et la Nation dès lors qu’il est dépossédé des attributs de souveraineté et qu’il rejette la source de la légitimité de sa fonction.
Plus encore que d’un simple point de vue institutionnel, la Ve République est la synthèse de notre histoire nationale déchirée entre Monarchie et République. De Gaulle le disait sans détour à Alain Peyrefitte : il redonnait par la Constitution de 1958 « une tête » à la Nation, réglant par la même occasion une question « vieille de deux siècles » marqués par les changements de régime.
La tête et le corps du Président
Le chef d’État de la Ve République tient, de fait, la place occupée par le roi dans la monarchie capétienne à partir du XIIIe siècle.
Il détient la potestas (le commandement) et l’auctoritas (l’aura), là où le Royaume-Uni les répartit entre l’exécutif et la Reine.
Le Président constitue, également, la tête et le corps visible de la Nation : il est le témoin de son unité, la figure et la voix concrètes par lesquelles elle prend d’autant plus conscience d’elle-même. Il est le premier d’entre tous les citoyens, à la fois similaire aux membres du corps national rendus égaux par la Révolution et distinct d’eux par sa supériorité présumée.
L’attitude de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou sur leurs portraits photographiques officiels n’a, à ces égards, rien d’anodin. Ils ignorent le spectateur, leur souveraine attention étant tournée vers l’avenir de la Nation dont ils sont le double garant de l’indépendance (article 5) et du destin (Conférence de Presse du Général de Gaulle du 31 janvier 1964).
Le Président est, enfin, voix et père du Peuple en même temps qu’il est voix et père de la Nation, comme la légitimité du Royaume était venue s’ajouter à celle de la majesté divine dans la monarchie capétienne. Davantage qu’une pure représentation d’intérêts, le suffrage universel de la Ve République est en effet une onction populaire, avatar du sacre royal de jadis.
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