Dans cette période électorale tendue, les esprits s’échauffent vite dès que l’on parle de politique, a fortiori avec la récente publication des programmes. Pour y voir plus clair dans cette cacophonie médiatique, nous vous proposons aujourd’hui une analyse détaillée de la composante économique des programmes des deux principaux partis en course : le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire. Vous saurez tout des principales mesures, et comprendrez pourquoi le problème n’est pas tant de savoir si elles mettent en péril notre économie, mais bien plus si celles-ci sont vraiment utiles, réalistes et applicables en pratique.

Article Politique
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publié le 28/06/2024 Par Olivier Berruyer
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Macron a donc décidé de provoquer de nouvelles élections législatives, dans un délai clairement insuffisant pour qu’elles puissent se dérouler sereinement. C’est d’ailleurs pourquoi Emmanuel Todd les qualifie de « demi-coup d’État » dans notre dernière interview exclusive. La campagne étant extrêmement courte, elle s’est concentrée presque uniquement sur la partie « économique » des programmes, à coup de chiffrages plus ou moins bidons pour tenter de disqualifier l’adversaire et terroriser les Français.

Le Medef et les grands médias pensent à votre sécurité ! - Source : 1, 2, 3, 4, 5

Cette tactique est certes un grand classique des élections, mais on peut raisonnablement penser qu'elle est de moins en moins efficace, puisque les électeurs ont bien constaté depuis une vingtaine d'années que leur vote ne changeait pratiquement jamais la trajectoire toujours plus néolibérale du pays.

L’explication est assez évidente : depuis le traité de Maastricht (1992) et l’entrée en vigueur de l’euro (1999), notre souveraineté s’est évaporée vers les limbes bruxelloises, et tout changement véritable de politique économique est devenu impossible. Ce n’est pas un accident, c’était une des volontés affichées durant les débats sur Maastricht.

Et cette mentalité est d’ailleurs au cœur du projet européen dès les années 1950 : c’est une vision foncièrement oligarchique, où quelques-uns, des « experts » bien entendus « apolitiques », vont prendre « les bonnes décisions parfois difficiles » que la masse « sous-éduquée » serait incapable de comprendre ou décider.

Un des aboutissements de cela fut l’indépendance de la Banque centrale européenne : désormais, la politique monétaire est décidée par un aréopage de quelques financiers indépendants, c’est-à-dire qu’elle a été sortie du champ démocratique : quel que soit votre vote, la politique monétaire (dont la fixation des taux d’intérêt) ne changera pas.

(Pour aller plus loin sur ce sujet et comprendre le mécanisme profond de l’Union européenne, notre interview de Frédéric Farah est particulièrement édifiante).

Un tel extrémisme n’a pas (encore) été inscrit dans le marbre de la Constitution, en partie grâce à l’échec du référendum de 2005. Il s’exprime tout de même en pratique suite à l’accumulation de traités et d’engagements européens, dont ce fameux traité budgétaire que François Hollande avait promis de renégocier en mars 2012 : « Je renégocierai le traité de discipline budgétaire non pas seulement pour la France, mais pour l'Europe tout entière ». Il est pourtant bel et bien rentré en vigueur, supprimant encore une grande partie de notre souveraineté résiduelle. Rappelez-vous d’ailleurs que ce même François Hollande se représente dimanche dans la 1re circonscription de Corrèze…

Cela fait ainsi au bas mot 30 ans que se déroule la dissolution de notre souveraineté, mais le processus a été très progressif, suivant la « méthode des petits pas » de Jean Monnet, laquelle consiste à faire avaler aux peuples ce dont ils ne voulaient pas. Le plus impressionnant a été l’efficacité de la puissante propagande européiste qui a généré le conditionnement féroce ayant permis aux peuples de l’accepter, alors qu’il n’était en rien secret – j’ai pour ma part appris « la méthode Monnet » au collège…

Cette introduction étant faite, nous allons en venir au cœur de cet article : l’analyse des programmes économiques des trois blocs politiques français.

Le programme économique macroniste : le même qu’avant, en pire !

McKinsey a encore bien travaillé avec nos impôts : un petit livret programmatique a même été publié :

« Nous libèrerons les augmentations de salaires entre le SMIC et 2 500 € nets en réformant les aides aux entreprises et la prime d’activité. Nous supprimerons les effets de seuil qui désincitent les entreprises à augmenter leurs salariés, afin que les Français en aient pour leur travail. »

Utilité : nulleFaisabilité : peu probable car refusée par l'UE

C’est évidemment une mesure pipeau, qui s’inscrit dans la longue lignée des « Bruno demande ». On imagine que le but va être de réduire une nouvelle fois les cotisations sociales, ce qui coûtera plus ou moins d’argent. Or, sept années de brillante gestion macroniste par le « Mozart jupitérien de la finance » et son bras gauche « le roi de la dilatation » se sont traduites par 1 000 milliards de dette en plus, et une demande de sanctions de la Commission Européenne (que tout souverainiste désapprouvera sur le principe, mais que toute personne sachant compter ne pourra que comprendre).

En conclusion, une telle mesure programmatique sera probablement refusée par l’UE (une situation très récurrente pour beaucoup de propositions, nous allons le voir).

« Pour continuer à rémunérer le travail, nous permettrons aux entreprises d’augmenter jusqu’à 10 000 € par an sans charge ni impôt le montant de la prime de pouvoir d’achat qu’elles ont versée l’an passé à 6 millions de salariés. »

Utilité : nulleFaisabilité : peu probable car refusée par l'UE

La prime existe depuis 2019, avec un plafond de 3 000 €. Le montant moyen est d’environ 850 €. Porter le plafond à 10 000 € ne va donc pas changer grand-chose, si ce n’est appauvrir encore plus l’État et la Sécurité sociale. La prime est d’ailleurs en forte perte de vitesse en 2024 dans les grandes et moyennes entreprises, car elle est désormais fiscalisée pour faire rentrer de l’argent pour combler les déficits. Ce genre de mesure sera probablement refusée par l’UE s’il n’y a pas une rentrée d’impôt équivalente de créée. Mais de toute façon, « pour continuer à rémunérer le travail », le mieux est plutôt d’augmenter les salaires, c’est même le principe de base…

« Dès cet hiver, nous baisserons les factures d’électricité de 15 %. Pour chaque Français, ce sera 200  € de moins sur la facture annuelle. Grâce à la réforme du marché européen de l’électricité que nous avons obtenue, ils bénéficieront de prix inférieurs à nos voisins européens qui tiendra compte de notre énergie d’origine nucléaire. »

Utilité : importanteFaisabilité : très probable... car c’est une conséquence du mode de calcul actuel !

Sans rentrer dans les détails de ce système kafkaïen, en 2025, les tarifs réglementés (qui se calculent sur les 2 années précédentes) vont reposer sur les prix de gros de 2023 et 2024, excluant donc 2022 et ses prix dantesques. Sauf nouveau problème, il est clair que le mode de calcul actuel va forcément faire baisser le prix de l’électricité. Ce n’est donc pas une vraie promesse électorale, juste du marketing manipulateur, bref un grand classique macroniste.

« Nous revaloriserons les retraites pour suivre l’inflation et protéger le pouvoir d’achat des 17 millions de retraités qui ont travaillé toute leur vie et méritent un revenu décent. »

Utilité : discutableFaisabilité : certaine... car c’est déjà la loi actuelle !

Le fait que les retraites soient indexées sur l’inflation et pas les salaires montre bien quel est le cœur de l’électorat du gouvernement actuel, d’autant que le niveau de vie des retraités est du même ordre que celui des actifs (lorsqu’ils sont propriétaires de leur logement). Les retraites de base sont déjà indexées sur l’inflation, et ce depuis 1993 : c’est l’article L.161-25 du code de la Sécurité sociale. Ce sont les partenaires sociaux qui décident de l’indexation des retraites complémentaires.

« D’ici 2027, nous permettrons également à 1 million de jeunes de classes moyennes et populaires d’accéder à la propriété en les exonérant de droits de mutation à titre onéreux (« frais de notaires ») pour l’achat d’un logement jusqu’à 250 000 €. »

Utilité : faibleFaisabilité : peu probable

Encore une mesure typique de ce « gouvernement des riches ». La baisse de ces « frais de notaire » (nom inapproprié, car le notaire n’en touche qu’une petite partie, c’est en fait une simple taxe qui finance les collectivités locales) d’environ 8 % du prix de vente pourrait sembler désirable, tant cet impôt est critiquable. Mais en réalité, ce sera totalement inefficace, car cette baisse d’impôt va augmenter le pouvoir d’achat des ménages, ce qui va mécaniquement augmenter les prix ; la baisse d’impôt sera donc en réalité captée en majorité par les propriétaires. Mais là encore, avec quel argent le trou dans les finances locales va-t-il être comblé ?

Arrêtons-nous là pour le programme d'Ensemble, le reste des mesures n’est qu’une logorrhée d’incantations risibles et de propos de comptoir vide de sens, du type « D’ici 2027, nous créerons 200 000 emplois industriels et 400 usines supplémentaires », « Nous poursuivrons une lutte implacable contre toutes les fraudes sociales et fiscales », « Nous irons plus loin dans la simplification administrative pour les TPE et les PME » etc...

Le programme économique du RN : demandez le post-it !

Comme l’indique la presse : « Le parti à la flamme doit publier depuis des semaines son "livret économique", un vade-mecum censé compiler et mettre à jour ses propositions en la matière. Interrogée la semaine dernière sur TF1 sur son intention de le rendre public, Marine Le Pen a répondu "on pourrait le faire...", un conditionnel en forme de réponse négative, en disant vouloir "concentrer (ses) efforts sur des propositions très claires" ».

Il n’y a donc pas de réel programme économique du RN pour ces législatives, juste quelques mesures qui tiennent sur un post-it...

« Baisser les factures d’électricité et réduire la TVA sur le gaz, le fioul et les carburants. »

Utilité : réelleFaisabilité : factures = très probable ; TVA = impossible dans l'UE

Ici, même marketing manipulateur que dans le programme d'Ensemble, quelqu’un au RN a dû lire la loi et réfléchir 5 secondes pour comprendre que les factures allaient baisser naturellement en 2025, sans avoir besoin de faire quoi que ce soit...

Pour la baisse de la TVA à 5,5 % sur les énergies (électricité, gaz, fioul) et le carburant, on va répondre simplement que la TVA se décide au niveau européen, et que le fiasco de la baisse de la TVA sur la restauration ajouté à la procédure pour déficit excessif contre la France rend quasi certain le refus des autres pays de valider une telle baisse.

D’autant que le RN propose de financer cette baisse par une « amputation de 2 milliards d'euros dans la contribution de la France au budget de l'Union européenne », ce qui n’est pas possible vu que le Budget pluriannuel est déjà voté, et que cela ne va pas rendre plus souples les Bruxellois. D’ailleurs, l’autre mesure RN assez proche, « La suppression de la TVA sur les produits de première nécessité » a été reportée. Il en sera de même pour cette mesure...

Fin du programme économique pour les législatives en ce qui concerne les propositions figurant sur le site du RN.  S’y ajoutent les promesses de comptoir « Baisser le coût de l’immigration et lutter contre les grandes fraudes sociales et fiscales », « Défendre notre souveraineté et les intérêts de la France en Europe », etc...

Cependant, si le programme est famélique sur le site du RN, ce dernier a su préserver l’essentiel : 1 adhésion = 1 photo signée par Marine Le Pen et Jordan Bardella !

Plus sérieusement, le RN a en réalité renié l'essentiel de son programme électoral AVANT même l’élection. Cela pourrait traduire une volonté très limitée d’accéder au pouvoir, ou bien le souhait de paraître « présentable » devant Bruxelles et les marchés financiers...

Le programme du Nouveau Front Populaire : un programme utile et intéressant mais difficilement applicable

Le Nouveau Front Populaire possède clairement le programme le plus étoffé, disponible dans un livret de 24 pages.

« Abroger immédiatement les décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, ainsi que les réformes de l’assurance-chômage. »

Utilité : importanteFaisabilité : très probable

C’est une mesure de justice sociale et d’impératif démocratique tant elle a été refusée par les Français. Son faible coût peut assez facilement se compenser.

« Augmenter les salaires par le passage du SMIC à 1 600 € nets, par la hausse de 10 % du point d’indice des fonctionnaires (intégralement compensée pour les collectivités territoriales), augmenter les indemnités des stagiaires, le salaire des apprentis et des alternants. »

Utilité : réelleFaisabilité : peu probable sans aides pour les petites entreprises

Les mesures ont une vraie utilité sociale, mais on voit mal comment nombre de petites entreprises vont pouvoir supporter une telle hausse des coûts dans un environnement économique déjà morose sans devoir licencier pour compenser. Tout dépendra du système d'aides qui sera proposé aux TPE et PME.

« Revaloriser les APL de 10 % » ; « Augmenter le minimum contributif (pension de retraite pour une carrière complète) au niveau du SMIC et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. »

Utilité : réelleFaisabilité : peu probable sans recettes supplémentaires

Idem, nouvelle charge avec des ressources limitées pour compenser. Tout dépendra de la façon dont le NFP parviendra (ou pas) à obtenir des recettes supplémentaires dans un premier temps.

« Bloquer les prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants par décret, et renforcer le bouclier qualité-prix pour les outre-mer. »

Utilité : réelleFaisabilité : uniquement sur une courte durée

Là-encore, il peut être utile de bloquer les prix temporairement, mais qui va payer le coût potentiellement colossal de la différence quand le pétrole ou le blé va augmenter ? Il est indispensable de trouver une réponse économiquement solide à cette question.

« Relancer la construction du logement social en revenant sur les coupes de Macron pour les organismes HLM de 1,4 milliard d’euros annuels » ; « Faire les premiers pas pour la gratuité intégrale à l’école : cantine scolaire, fournitures, transports, activités périscolaires » ; « Augmenter le montant du Pass’Sport à 150 euros et étendre son utilisation au sport scolaire en vue de la rentrée » ; « Relancer la création d’emplois aidés pour les associations, notamment sportives et d’éducation populaire » ; « Indexer les salaires sur l’inflation et porter l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) au niveau du SMIC » ; « Abolir la taxe Macron de 10 % sur les factures d’énergie » ;

« Investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire » ; « Mettre en place une garantie d’autonomie qui complète les revenus des ménages situés sous le seuil de pauvreté accessible dès 18 ans » ; « Engager un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social » « Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves » ; « instaurer le repas à 1 euro dans les Crous. »

Utilité : réelleFaisabilité : assez improbable sans recettes supplémentaires

Si le programme du NFP prévoit certes des hausses d’impôts pour les plus riches qui devraient rapporter plusieurs dizaines de milliards d'euros à l’État, cela sera hélas très loin de suffire à financer toutes ces propositions, présentées par ailleurs dans le calendrier très court des 100 PREMIERS JOURS. On rappelle aussi qu’il ne suffit pas de décréter 50 Md€ de hausses d’impôt pour obtenir 50 Md€ de recettes nettes, une telle captation d’argent ayant des effets macroéconomiques négatifs sur les rentrées fiscales.

Et voici ce que contient le programme de plus long-terme, toujours aussi utile et intéressant, mais sans doute bien trop ambitieux pour être réalisable financièrement et dans le cadre d'un mandat de cohabitation :

« Lancer le rattrapage des postes manquants de fonctionnaires à l’hôpital public, dans le soin et le médico-social, à l’école publique, dans la justice, dans les services et les agences de l’État, en revalorisant les métiers et les salaires » ; « Garantir l’accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance ouvrant 500 000 places en crèches ou autre solution de garde » ; « Lancer un plan Grand âge en rénovant les EHPAD, en augmentant et en formant les professionnels du grand âge » ; « Construire 200 000 logements publics par an pendant cinq ans aux normes écologiques les plus ambitieuses » ;

« Augmenter les moyens de la justice pour garantir un traitement juste et dans un délai raisonnable de l’ensemble des procédures, notamment par l’embauche de magistrats, greffiers, agents de la protection judiciaire de la jeunesse » ; « Agir contre la surpopulation carcérale, assurer des conditions dignes de détention et donner les moyens à l’administration pénitentiaire et judiciaire de réaliser sa mission en toute sécurité » ; « Engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l’Europe dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, technologies de pointe, voitures électriques, panneaux solaires, etc.) » ;

« Garantir des tarifs accessibles et des mesures de gratuité ciblée (jeunes, précaires, etc.) dans les transports publics et baisser la TVA sur la tarification des transports en commun à 5,5 % » « Mettre en place un plan rail et fret, créer des services express régionaux » ; « Rétablir les milliers de postes supprimés dans le service public de suivi et de protection de la nature : à l’Office national des forêts, à l’Office français de la biodiversité, à Météo France, au Cerema » ; « Mailler le territoire de fontaines à eau, de douches et de sanitaires publics et gratuits » ; « Soutenir la filière du bio et l’agroécologie, encourager la conversion en bio des exploitations en reprenant leur dette dans une caisse nationale » ;

« Renforcer le budget public consacré à l’art, la culture et la création pour le porter à 1% du PIB par an » ; « Étendre la gratuité dans tous les musées nationaux, garantir une tarification abordable dans les institutions publiques » ; « Défendre et améliorer le régime des intermittents et aller vers la création d’un nouveau régime pour les artistes-auteurs » ; « Augmenter les moyens de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) » ; « Porter un plan de 10 000 équipements sportifs supplémentaires, pensé pour favoriser la pratique du sport féminin et du parasport. » ; « Rénover les équipements sportifs existants, notamment dans les universités » ; « Porter les moyens du ministère des Sports à 1% du budget de l’État » ; « Développer des maisons de Sport-Santé dans tout le pays et rembourser le sport sur ordonnance » ;

« Réglementer les tarifs de desserte aérienne pour l’Outre-Mer » « Organiser la distribution de bouteilles d’eau en Outre-Mer et plafonner le prix de l’eau partout où le service d’eau potable est défaillant via modification du plan ORSEC-eau, et mettre en place de grands travaux de rénovation des canalisations » ; « Créer un fonds d’indemnisation et de prévention contre les pollutions en Outre-Mer pour indemniser et assurer la prise en charge médicale des victimes du chlordécone et des sargasses et investir dans la dépollution et la décontamination des sols et des eaux (chlordécone et glyphosate aux Antilles, mercure en  Guyane, essais nucléaires en Polynésie…) » ; « Lancer un plan spécifique de rattrapage en matière de désenclavement routier et ferroviaire en Guyane » ;

« Taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l’Union européenne » ; « Généraliser la taxation des superprofits au niveau européen » ; « Adopter une loi intégrale pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en portant le budget à 2,6 milliards d’euros comme demandé par les associations » ; « Instaurer l’égalité salariale et créer un congé menstruel dans les entreprises et administrations » ; « Établir la filiation par reconnaissance comme principe par défaut, rembourser la procréation médicalement assistée (PMA), la rendre accessible aux personnes trans » ; « Prendre en charge par la Sécurité sociale les protections menstruelles. »

Utilité : réelle Faisabilité : très improbable dans l'UE actuelle

Il est clair que ces mesures, certes très utiles, ne peuvent pas être mises en œuvre dans un pays de l’Union européenne. En effet, l’UE est bâtie sur des principes néolibéraux, et plus encore, l’euro a été conçu pour corseter les politiques nationales. Il a entraîné l’élaboration des traités budgétaires, qui donnent un droit de regard à la Commission sur les budgets et les politiques menées dans chaque pays, avec des possibilités de sanctions, certes limitées.

C’est encore bien pire au niveau de la banque centrale, car la BCE peut souverainement décider d’aider ou de ne pas aider un pays et un système bancaire qui serait attaqué par les marchés financiers. On a très bien vu de quoi elle était capable lors de la crise grecque en 2012-2013, forçant le gouvernement de gauche à manger son chapeau. On voit aussi qu’elle ne fait rien pour rassurer les marchés financiers en raison de la situation troublée en France, ce que certains analystes considèrent comme un début de pression politique pour s’assurer que le prochain gouvernement reste bien dans les clous.

Terminons justement par le programme économique du NFP à propos de l’Union européenne :

« Refuser le pacte de stabilité budgétaire » ; « Mettre fin aux traités de libre-échange » ; « Instaurer un protectionnisme écologique et social aux frontières de l’Europe » ; « Adopter un mécanisme d’harmonisation sociale par le haut entre les États pour mettre fin aux politiques de dumping social et fiscal » ; « Réindustrialiser l’Europe : numérique, industrie du médicament énergie, etc. »

Utilité : fondamentalFaisabilité : cela dépendra du courage du gouvernement

Ce sont en réalité ces mesures qui sont fondamentales. Bien entendu, comme elles sont à l’exact opposé des principes de l’Union européenne, elles ne seront donc jamais acceptées par Bruxelles, comme l'a très bien souligné Frédéric Farah dans notre récente interview vidéo.

Une telle politique ne pourra que conduire à la fin de l’UE telle qu’on la connaît, ce qui pourrait être vu comme souhaitable à de multiples égards. Cela pourrait être l’occasion de mettre enfin en place une autre organisation internationale européenne, coopérative, démocratique et respectueuse des souverainetés nationales.

Comme l’avait dit à raison Alain Madelin, Maastricht c’est l’assurance-vie contre le retour d’une expérience socialiste façon 1981. Or, le programme du NFP est justement une expérience socialiste façon 1981 ! Elle ne peut donc pas être réalisée dans le cadre européen actuel. Le gouvernement NFP acceptera-t-il d’aller aussi loin ? Glucksmann, Hollande, Tondelier et même Roussel donneront-ils leur accord ? Nous le saurons peut-être en juillet prochain...

Insistons sur un point fondamental : le blocage politique n’est pas le seul problème, tout colossal qu’il soit. Il y a également un blocage financier dû à la gestion catastrophique de Macron, comme nous l’avons démontré dans notre dernier article sur le Budget de la France. Si en 1981, une vraie politique progressiste a pu être décidée, c’est parce qu’il n’y avait pas 3 000 Md€ de dette et 150 Md€ de déficit de l’État. Une mauvaise gestion de l’État limite forcément – voire empêche – toute politique sociale ambitieuse.

Votez comme vous voulez

Terminons par quelques mots pour préciser notre vision. Cet article visait simplement à vous présenter globalement les programmes économiques des grands partis en course, et à vous expliquer pourquoi, après 30 ans d’abandons de la souveraineté nationale, vous constaterez probablement en 2025 qu’aucune autre politique économique n’aura été mise en œuvre.

Comme l’a dit en 2015 le peu regretté Jean-Claude Juncker, ancien Président de la Commission Européenne, « il ne peut pas y avoir de choix démocratique [en l’espèce en Grèce] contre les traités européens ». Et dans sa logique d’européiste, c’est normal puisque cela reviendrait à dire : « il ne peut pas y avoir de choix démocratique en Bretagne contre la Constitution Française ». Tout dépend en effet de la façon dont on considère la France : comme un pays souverain ou comme une région de la grande nation européiste.

Il est donc fondamental de savoir s’il existe encore une véritable nation française ou si cette dernière a déjà été fondue dans le maelström européen qui ne sera jamais démocratique car, comme le rappelle la Cour constitutionnelle allemande, « il n’y a pas de peuple européen ». Nous sommes probablement dans un entre-deux, et bien plus proches du « pays européen unique » que des nations indépendantes, puisque d’importants transferts de souveraineté ont été acceptés, en particulier avec l’euro. C’est pour cela que le vote a désormais si peu d’impact sur la politique économique en France.

Pour conclure, rappelons toutefois que l’économie ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie, et les propositions que nous avons analysées dans cet article ne sont qu’une petite partie des programmes que nous vous invitons à lire entièrement avant d'aller voter. Il y a beaucoup de propositions sur d’autres thématiques, comme l’éducation, l’immigration, les institutions, l’environnement, etc.

Nous espérons cependant vous avoir apporté quelques éclairages utiles, et vous avoir montré qu’au-delà des attaques caricaturales des médias sur les programmes, il y a une réalité plus nuancée, qui impose à chacun de faire preuve d’esprit critique, avant de se déplacer aux urnes pour trancher le sort du pays.

Notre message sera donc : « Faites ce que vous voulez, mais votez… pour qui vous voulez. »

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