L’ésotérisme s’est démocratisé, contrairement à son sens originel (caché, secret), et fait l’objet d’une ample instrumentalisation marchande. Dans Je crois donc je suis, Le grand bazar des croyances contemporaines (Rue de l’Échiquier), Thierry Jobard, responsable du rayon Sciences humaines d’une librairie strasbourgeoise, analyse les rapports des spiritualités en vogue à la science et au réel, les raisons de leurs succès et leurs dangers.
Laurent Ottavi (Élucid) : En quoi notre temps se distingue-t-il de ce que vous appelez dans votre livre les âges ésotériques du passé ?
Thierry Jobard : Par « âges ésotériques », j’entends les moments de poussée de l’ésotérisme. Ceci étant dit, il a toujours été là, car il est sans doute apparu avec l’humanité elle-même. Mais le terme même d’ésotérisme est assez récent. Il a été formé au XIXe siècle et a servi à qualifier a posteriori un certain nombre de courants. L’ésotérisme s’oppose à l’exotérisme. Aristote, par exemple, avait un enseignement ouvert à tous (exotérique), mais aussi un autre destiné à ses disciples les plus avancés (ésotérique).
La principale différence entre le passé et aujourd’hui c’est que l’ésotérisme s’est démocratisé. Il est à la portée de tous, contrairement à son sens originel. Le maître ne transmet plus à son disciple, mais l’individu se forme lui-même ou entre adeptes au sein de communautés, sur le net typiquement. À cela s’ajoute le fait qu’on n’est plus dans une recherche de connaissance, fruit d’un enseignement, afin de mieux comprendre le réel, mais dans une démarche pragmatique de rassurance et d’amélioration de son bien-être.
Élucid : Le Covid et les confinements ont-ils contribué à la popularité croissante de l’ésotérisme ?
Thierry Jobard : Elle a commencé avant, mais ils l’ont intensifiée en plaçant les gens face à eux-mêmes, d’où des questionnements et une anxiété générale qui poussent à s’interroger sur beaucoup de choses. Là où le développement personnel prétend apporter des réponses sur soi, l’ésotérisme propose également des réponses sur une autre manière d’appréhender la réalité. D’autre part, le Covid a nourri beaucoup d’incertitudes et généré beaucoup de contradictions chez les gouvernants. Le virus avait une origine très lointaine, les masques étaient dits « inutiles » un jour puis « obligatoires » le lendemain. Une sorte de suspicion de manipulation de la part de l’État et de la science s’est répandue parmi une partie de la population. L’ésotérisme semble, par rapport aux pouvoirs et aux savants, fournir des réponses stables, fiables et réconfortantes.
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
1 commentaire
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner