L’émancipation de la femme telle qu’elle est véhiculée par le néolibéralisme n’en est pas une, car il la soumet aux normes de l’hyper-consommation. La psychologue sociale Marilia Amorim explore la culture contemporaine, dans son livre L’hypermédiatisation de la sexualité féminine (Érès, 2024), à travers le prisme d’un corpus de textes du magazine féminin Marie Claire. Elle y démontre que l’appel incessant à la « transgression » des tabous est surtout un moyen de créer de nouveaux marchés et traduit une haine de la sexualité.

publié le 09/03/2025 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Pouvez-vous, dans un premier temps, expliquer quelles ont été la visée et les méthodes que vous avez déployées dans votre ouvrage ?

Marilia Amorim : L’histoire de ce livre commence au Brésil, pays dont je suis originaire. Je suis tombée sur une couverture de Marie Claire dans une salle d’attente de médecin. Quand j’ai lu le titre « Qu’est-ce qu’il se passe dans une soirée sado-maso ? », je me suis dit que c’était typique du Brésil. La sexualisation du corps y est très forte, surtout à Rio, que ce soit par l’exposition de la nudité ou par la chirurgie esthétique. De retour en France, j’ai cependant jeté un coup d’œil dans un kiosque à la couverture de Marie Claire. Et là, je lis : « La saga érotique d’une femme pour atteindre son premier orgasme » ! À chaque numéro, je retrouvais ce genre de titres et je me suis donc dit que cela faisait système. J’ai commencé alors à travailler sur Marie Claire, même si d’autres magazines comme Elle faisaient dans le même esprit.

J’ai une formation de psychologie sociale, mais j’ai petit à petit intégré l’analyse de discours, qui est un champ de la linguistique. Elle me permet d’identifier les stratégies discursives, les formes, les formules, les façons de dire, qui visent à produire certains effets de sens. Avec l’approche dialogique qui est la mienne, qui est issue des auteurs russes du Cercle de Mikhaïl Bakhtine (1875-1975), il est également possible d’identifier les valeurs qui se trouvent en arrière-plan. Après l’analyse, j’en suis venue à interpréter, c’est-à-dire à restituer le corpus de Marie Claire dans le cadre global de la culture contemporaine néolibérale.

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