Les conditions de travail actuelles trouvent leur origine dans le mode de production capitaliste. Nicolas Framont, rédacteur en chef du magazine Frustration, auteur de Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail (Les liens qui libèrent, 2024) explore les causes profondes de la frustration des travailleurs et en déduit la nécessité d’une politisation du combat au travail, indissociable d’une émancipation du travail vis-à-vis du capital.
Laurent Ottavi (Élucid) : Quels sont les principaux éléments caractéristiques du monde du travail d’aujourd’hui qui ressortent de vos observations faites à partir de votre expérience et en tant qu’expert et formateur pour des comités sociaux et économiques ?
Nicolas Framont : Tout d’abord, ce qui me frappe, c’est que chacun a l’impression de subir des conditions particulières et propres à son entreprise ou à son secteur, alors qu’elles sont très similaires. Cela signifie qu’une discussion générale sur le travail n’a plus lieu, que chacun est en quelque sorte coincé dans son milieu car il n’y a plus d’organisation pour porter un discours auquel tout le monde peut s’identifier. Pourtant, il existe des éléments que l’on retrouve partout :
1/ Une augmentation de la chaîne hiérarchique en nombre et en intensité : que cela soit dans le public, le privé ou les ONG, on assiste à un empilement de strates hiérarchiques. Cela s’accompagne de mesures de surveillance et de contrôle : il s’agit de mesurer la productivité à tout niveau et de s’assurer que les salariés – ironiquement nommés « collaborateurs » alors qu’il s’agit d’exécution et non de collaboration – soient de bonnes « ressources humaines » au service des donneurs d’ordre.
2/ Par conséquent, l’installation d’une culture de la violence au travail : l’intensification exigée par les directions de toute obédience justifie des comportements harcelants, avec une légitimation de l’agressivité et de l’humiliation. J’ai eu l’exemple d’une entreprise où les managers devaient suivre une formation « créer un sentiment d’urgence dans vos équipes » : il s’agit de créer de toutes pièces – sans nécessité réelle – une culture de l’urgence, du stress et de la peur. Cette culture de la violence est d’abord le fait de la hiérarchie, mais elle s’étend aux relations entre collègues. Pour faire passer la pilule de ces mesures consciemment violentes, un vague discours sur la « bienveillance » et le « bien-être » est dispensé par des consultants et formateurs.
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