Contrairement à une idée répandue, les syndicats se sont toujours intéressés à la souffrance au travail. Dans Se tenir debout, un siècle de luttes contre les souffrances au travail (La Dispute), un titre qui fait référence à une citation de Simone Weil, Rémy Ponge, maître de conférences en sociologie, retrace la longue histoire des souffrances au travail. À partir des enseignements qu’il en tire, il invite les syndicats à nouer des alliances élargies et à politiser les enjeux pour changer l’organisation du travail. Entretien.

publié le 20/04/2025 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Qu’entend-on par « souffrance au travail » ? Quelles pathologies cela recouvre-t-il ?

Rémy Ponge : J’ai voulu dans ce livre comprendre ce que les travailleurs et les travailleuses désignaient comme des formes de souffrance liées au travail. J’ai aussi voulu aborder la question de la reconnaissance des pathologies associées à ces souffrances. La notion de souffrance au travail est un mot-valise, car le mal-être ou les pathologies des salariés peuvent être très diverses. Certaines peuvent être définies médicalement, comme la dépression et les troubles anxieux, d’autres ne sont pas définies précisément par la science ou la médecine, telles que le burn out.

Les choses ont aussi changé à travers le temps, avec l’évolution du travail et des conditions du travail. En retraçant l’histoire des souffrances au travail, je vais à rebours d’une idée reçue selon laquelle ce serait une problématique récente, apparue dans les années 2000 à cause du néolibéralisme.

Élucid : Quels ont été les premiers termes qui ont désigné les souffrances au travail ?

Rémy Ponge : Je fais référence aux Temps modernes (1936) de Charlie Chaplin. On le voit travailler dans une usine de métallurgie, sur une chaîne de montage. Il fait des gestes très répétitifs, monotones, avec des cadences de travail infernales. Et, à la fin de son travail en usine, il finit en hôpital psychiatrique à cause d’une « crise de nerfs » ! C’est la première forme de souffrance au travail identifiée.

On a également parlé de fatigues nerveuses dès le début du XXe siècle. Le capitalisme industriel se développe alors très fortement aux États-Unis et de plus en plus d’ouvriers ont des problèmes de fatigues persistantes, des difficultés de sommeil et des pathologies diverses.

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