Depuis quelques mois, le monde fait face à une crise inflationniste impressionnante, impactant la plupart des secteurs économiques. Les Français ont déjà à subir quelques effets bien concrets de cette crise : l’explosion du prix de l’énergie a rendu l’essence de moins en moins accessible, tandis que les produits alimentaires voient leur coût augmenter ou sont victimes de pénuries. Voyons aujourd’hui l’effet de cette crise sur le prix de matières premières fondamentales : l’engrais, les textiles, le bois, etc.

publié le 25/05/2022 Par Élucid
Après l’énergie et l’alimentaire : le prix des matières premières explose

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le prix de l’ensemble des engrais mondiaux a triplé. Ce sont particulièrement les engrais azotés dont le prix a explosé depuis deux ans. À titre d’exemple, l’urée a connu une augmentation de 275 % sur cette période, et si l’on prend l’ensemble des engrais, leur prix n’a pas été aussi élevé depuis 2009 avec la crise des subprimes.

Alors comment expliquer ces envolées de prix ?

Plusieurs hypothèses : évoquons d’abord la hausse du prix de l’énergie analysée ici, qui a impacté le coût du fret depuis deux ans et donc, pas extension, le coût des importations d’engrais. Autre cause probable, la guerre en Ukraine a fait flamber les prix du gaz russe, or l’ammoniac nécessaire à la fabrication d’engrais azoté est obtenu à partir de gaz. La spéculation a également poussé ces prix encore plus à la hausse.

Précision également que la Russie est l’un des principaux pays exportateurs d’engrais azoté déjà transformé : la France importe par exemple 25 % de ses engrais azotés depuis la Russie. La hausse du prix des engrais pourrait donc à court terme se répercuter significativement sur les prix des produits alimentaires en France.

Sur le graphique ci-dessous, on peut observer l’évolution des prix de quelques matières premières très importantes :

- Le prix du coton a augmenté de 80 % depuis mars 2020 et se situe à son prix le plus élevé depuis décembre 2011. Cette flambée du prix de la fibre de coton s’explique en partie par des raisons climatiques. Les États-Unis — troisième producteur mondial de coton — ont en effet fait face à une sécheresse prolongée dans les 17 États de la « cotton belt », qui concentrent l’essentiel de la production américaine, et qui devrait hélas se poursuivre. Le prix du coton est aussi affecté par la hausse des prix du baril de pétrole : les pesticides, très utilisés dans la culture du coton, sont en effet des dérivés du pétrole.

- Le prix du caoutchouc a augmenté de 30 % entre mars 2020 et mars 2021, en raison de l’explosion des coûts de transport maritime et de l’énergie. Depuis, il a de nouveau diminué, mais s’établit toujours 20 % au-dessus des prix d’avant crise en mars 2022. Le secteur des pneumatiques, et donc de l’automobile, est l’un des secteurs les plus affectés par cette hausse.

Par ailleurs, le prix des peaux de bête (cuir) a augmenté de 80 % entre mars 2020 et novembre 2021, tandis que celui de la laine fine, qui baissait depuis mi-2018, a réaugmenté de 25 % entre juin 2020 et décembre 2021.

En toute logique, cette hausse généralisée du prix des matières premières pénalise beaucoup la France qui ne produit pas ces dernières, mais les importe. Ainsi, depuis mars 2020 et le début de la pandémie mondiale, le prix du coton importé en France a augmenté de 90 %, tandis que les prix des fibres textiles naturelles et du cuir de bovin ont augmenté de 65 %. Le prix de la laine importée a quant à lui augmenté de 17 % depuis octobre 2020.

Les répercussions sur l’économie française sont ici sont identiques à ce que l’on a analysé précédemment avec le prix des métaux : le coût de production des entreprises va augmenter, ce qui va produire des effets délétères sur le porte-monnaie des Français. D’une part les entreprises vont augmenter les prix des produits commercialisés dépendant de ces matières premières pour leur fabrication. D’autre part, ces entreprises vont être confrontées à des soucis de compétitivité et de rentabilité de sorte que les salaires et les embauches pourraient être impactés négativement.

Au final, toutes ces conséquences vont renforcer la baisse de la croissance, voire déclencher une récession.

Le bois baisse au niveau mondial… mais augmente en France

Bonne nouvelle, à l’inverse des engrais ou des textiles, le prix du bois mondial (tel que calculé par la banque mondiale en agrégeant les prix de différents bois) n’a pas été significativement affecté par la crise liée à la pandémie mondiale. Le prix du bois est en effet resté extrêmement stable en 2019 et 2020, puis a même baissé de 13 % entre janvier 2021 et mars 2022.

Dans le détail, les prix des bois sciés, des résineux et du bois contreplaqué ont baissé de 10 % à 20 % depuis début 2021.

Cependant, d’autres types de bois, eux, ont connu une forte hausse, comme le bois de feuillus (bouleau, chêne, hêtre, merisier, etc.) qui a augmenté de 30 % entre début 2020 et fin 2021.

Notons cependant que la baisse du coût du bois au niveau mondial ne s’applique hélas pas à la France. En effet, les prix du bois importé ne semble pas avoir baissé dans l’Hexagone, ce serait même plutôt le contraire : pour les bois sciés ils sont restés stables depuis deux ans, tandis que pour des conifères sciés ils ont été multipliés par trois depuis fin 2019. En outre, le prix de la pâte à papier importée a augmenté de 90 % depuis mars 2020.

Plusieurs raisons peuvent expliquer l’augmentation du bois pour la France :

- La hausse de la demande chinoise: en 2017, Pékin a en effet décidé d’interdire l’abattage de ses forêts pendant les 99 prochaines années, afin de les préserver. La puissance chinoise se fournit donc massivement en Europe, ce qui fait monter les prix de ce type de bois pour les pays européens ;

- La hausse de la demande américaine : depuis 2018, les États-Unis ont instauré une taxe sur les bois d’œuvre canadiens qui a encore augmenté en 2021. La demande américaine s’est donc tournée vers l’Europe, faisant aussi augmenter les prix ;

- La baisse des exportations russes: en janvier 2022, la Russie a décidé de limiter ses exportations de bois non transformés, notamment vers la Chine, afin de privilégier l’exportation de produits en bois à haute valeur ajoutée.

Conclusion : que se passe-t-il avec le prix des matières premières ?

En conclusion, l’augmentation du prix du fret et de l’énergie, consécutive à la crise sanitaire mondiale, a donc engendré l’augmentation du prix de matières premières comme les engrais ou le coton. Cette tendance devrait d’ailleurs se poursuivre en raison de la guerre en Ukraine, qui va sûrement prolonger l’augmentation du prix de l’énergie. En parallèle, nous avons vu que le prix du bois au niveau mondial a baissé. Cela cache cependant une augmentation du prix du bois importé en France, qui affecte déjà le secteur de la construction dans l’Hexagone.

En définitive, la France subit de plein fouet les effets de l’inflation consécutives aux crises multiples, impactant l’ensemble des secteurs indispensable à notre production et à notre consommation : énergies, métaux, produits alimentaires, matières premières etc.

Reste à voir l’impact sur le long terme de cette crise inédite.