Explosion du prix de l’énergie : une catastrophe pour le pouvoir d’achat ?

Malgré les tentatives d’Emmanuel Macron et de son gouvernement de faire croire que les multiples confinements n’ont pas eu d’impacts importants sur notre économie grâce à une « gestion responsable » de la crise sanitaire, une augmentation vertigineuse du prix de l’énergie est aujourd’hui à notre porte.

Graphe Environnement
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publié le 03/05/2022 Par Élucid
Explosion du prix de l’énergie : une catastrophe pour le pouvoir d’achat ?
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Qu’il s’agisse du pétrole, du charbon, du gaz ou même de l’uranium, les prix de toutes les principales sources d’énergie ont connu une hausse depuis le début de l’année 2020. À cela, il faut bien entendu rajouter les circonstances géopolitiques inédites auxquelles on assiste depuis le début de la guerre en Ukraine, et qui ont engendré une explosion du prix du gaz. En conséquence, la France commence à souffrir d’une hausse du prix de l’essence et de l’électricité qui risque de peser lourd sur le budget des Français…

56 % de hausse des prix en seulement deux ans

La crise sanitaire continue d’avoir des effets délétères sur l’économie mondiale, et en particulier sur le marché de l’énergie. À l’échelle globale, la Banque mondiale estime ainsi que la hausse du prix de l’énergie a été de 56 % entre fin 2019 et février 2022, soit en seulement deux ans. Le prix de l’énergie n’avait pas été aussi élevé depuis septembre 2014 et cette dynamique haussière semble loin d’être terminée.

On pourra s’étonner de la baisse du prix de l’énergie dans les premiers temps de la sortie de crise sanitaire, puisque ce dernier avait bel et bien chuté de 60 % entre avril 2019 et avril 2020. Cela s’explique simplement par le fait que la quasi-totalité de l’activité économique des pays du globe a été mise à l’arrêt, ce qui avait entraîné mécaniquement une chute de la demande d’énergie et donc de son prix. De même, les postes de production d’énergie dans les pays exportateurs d’hydrocarbures avaient été mis à l’arrêt, et les investissements en exploration de nouveaux gisements de pétrole et de gaz avaient fortement diminué.

Cette baisse des prix n’était donc qu’une circonstance exceptionnelle qui a d’ailleurs bien vite été résorbée, puisqu’à partir de mi-2020, les prix de l’énergie ont fortement réaugmenté.

Comment expliquer ce phénomène ? Les principales causes sont les suivantes :

- La reprise économique et la hausse de la demande - permise par l’injection de liquidités de la part des États et des banques centrales en réponse à la crise sanitaire - combinées à une offre insuffisante liée à la baisse des investissements en exploration de nouvelles sources d’énergie en 2020 ;

- Des incidents techniques ou climatiques : blocage du canal du Suez en mars 2021, incendie dans une usine gazière en Sibérie à l’été 2021, ouragan Ida dans les régions productrices de pétrole du golfe du Mexique à la fin de l’été 2021 ;

- Les tensions entre la Russie et l’Europe en 2021. La Russie — qui fournit 40 % du gaz de l’Union européenne — refusait jusqu’à octobre 2021 d’augmenter ses exportations vers le continent européen, réclamant la mise en service du gazoduc Nordstream 2 ;

- Des stocks de gaz anormalement bas en Europe, à cause d’un hiver très long et d’une baisse des approvisionnements russes ;

- Une aggravation sans précédent des tensions entre la Russie et l’Europe depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, incluant une surenchère de sanctions économiques dont on peine à percevoir encore la portée.

Cependant, les prix de l’énergie n’ont pas encore atteint leur pic de l’été 2008, ou ils se situaient 120 points au-dessus du niveau de février 2022. En effet, après une relative stabilité entre 1986 et 2002, les prix de l’énergie avaient commencé à augmenter, notamment sous la pression de la forte demande des pays émergents, conjuguée à des taux d’intérêt bas.

La crise des subprimes démarrée en 2007 avait ensuite engendré un pic spéculatif : les investisseurs avaient délaissé les actifs immobiliers (responsables de la crise) au profit des matières premières, entraînant la hausse du prix de l’énergie.

Entre 2010 et fin 2013, une nouvelle flambée a eu lieu, sur fond de demande importante des pays émergents et de crises géopolitiques, 2011 marquant le début des « révolutions arabes », ainsi que l’intervention militaire multinationale en Libye, grand exportateur de pétrole. Les prix s’étaient alors maintenus 50 points au-dessus du niveau de février 2022.

Le gaz, cinq fois plus cher qu’en mai 2020

En scrutant l’évolution récente des prix des principales énergies fossiles, on constate clairement que c’est la hausse du prix du gaz naturel qui porte la hausse globale des prix de l’énergie. Ainsi :

- Le prix mondial du gaz naturel a été multiplié par cinq entre mai 2020 et novembre 2021. Il s’établit alors à son niveau le plus élevé depuis septembre 2008. Il redescend ensuite de 13 % jusqu’en février 2022 ;

- Le prix mondial du charbon a été multiplié par plus de trois entre juin 2020 et septembre 2021. Il s’établit alors à son niveau le plus élevé depuis septembre 2008. Il redescend ensuite de 7 % jusqu’en janvier 2022 ;

- Le prix mondial du pétrole brut a doublé entre juin 2020 et février 2022. Il s’établit alors à son niveau le plus élevé depuis octobre 2014.

Mais il y a une distinction fondamentale à faire entre l’évolution du prix du gaz en Europe et aux États-Unis :

- Le prix du gaz européen a été multiplié par 12 entre mai 2020 et décembre 2021. Il atteint alors un niveau historiquement élevé, 66 % supérieur au pic enregistré lors de la crise des subprimes, en septembre 2008 ;

- Dans le même temps — précisément entre avril 2020 et octobre 2021 — le prix du gaz aux États-Unis a été multiplié par 2,6. Ce niveau de prix est quant à lui bien inférieur à celui enregistré lors de la crise des subprimes, en juin 2008.

Il est donc très clair que l’Europe est bien plus touchée que les États-Unis par la hausse des prix du gaz, du fait de sa dépendance au gaz russe. Par conséquent, si à l’échelle mondiale cette hausse est déjà importante, pour la France et ses voisins européens, la situation semble alarmante.

Le ralentissement de la production gazière consécutive à la crise du Covid-19 — ayant entraîné une pénurie d’offre — ne suffit pas à expliquer la hausse vertigineuse des prix constatée. Les tensions géopolitiques entre la Russie et l’Europe survenues en 2021 à propos du gazoduc Nordstream 2, puis le début de la guerre russo-ukrainienne ont à l’évidence joué un rôle majeur dans l’envolée du prix du gaz européen.

En France, le carburant routier historiquement cher

Intéressons-nous maintenant à un élément fondamental et quotidien du pouvoir d’achat des Français : l’évolution du prix du carburant.

La consommation d’énergie primaire réelle (c’est-à-dire non transformée après extraction, et sous forme de dérivés non énergétiques comme le goudron ou le bitume) de la France se compose en effet à 28 % de pétrole. Le graphique ci-dessous permet de comparer l’évolution des prix des différents dérivés du pétrole dans l’Hexagone. La tendance générale des prix du pétrole en France est logiquement la même qu’au niveau mondial.

Comme nous l’avons vu, l’arrêt de l’économie mondiale en 2020 a provoqué une baisse des prix du pétrole, avant que ces derniers n’augmentent à nouveau avec la hausse de la demande mondiale combinée à une offre insuffisante en 2021. En 2022, la hausse se prolonge notamment en raison de la guerre russo-ukrainienne : la France achète en effet entre 10 % et 15 % de son pétrole brut à la Russie depuis plusieurs années.

Entre avril 2020 et janvier 2022, les prix du Naphta, du Supercarburant CAP, du Brent et du Gazole-Fioul domestique ont ainsi augmenté en moyenne de 90 %, revenant à leur niveau de 2014. Cependant, ils ne s’établissent pas à des niveaux historiquement élevés : ils sont encore inférieurs aux prix atteints lors de la crise de 2008, puis lors de la période 2009-2015.

Cependant, le constat est différent lorsqu’on s’intéresse au prix des carburants routiers, on remarque alors que les prix en vigueur en France en février 2022 atteignent des niveaux historiques. Le différentiel de prix entre le pétrole brut et le carburant routier s’explique par les taxes sur les carburants.

Le graphique ci-dessous indique ainsi qu’en février 2022 :

- Le Sans plomb 98 s’établit à 1,80 € le litre, son niveau le plus élevé depuis 1990 ;

- Le Gazole - carburant le plus vendu en France - s’établit à 1,70 € le litre, son niveau le plus élevé depuis le pic historique de juillet 2008, où il s’était également établi à 1,70 €/L ;

- Le GPL s’établit à 0,9 € le litre. Il connait un prix relativement stable depuis 2006.

Le graphique illustre également le prix du carburant aux États-Unis, converti en euros : on distingue qu’il s’établit à 0,80 € le litre, le même niveau historique qu’en 2012 et 2008. En réalité, on constate que le prix de l’essence aux États-Unis est le même que le prix du Sans plomb 98 français, une fois les taxes déduites. Or, aux États-Unis, l’essence est peu chère, car peu taxée : les taxes sur l’essence et le diesel ne représentent que 16 % du prix du carburant.

Malgré le nucléaire, le prix de l’électricité français explose

Tout d’abord, il faut savoir que la consommation d’énergie primaire de la France se compose à 40 % d’énergie nucléaire. Le graphique ci-dessous s’intéressant à l’évolution du prix de l’uranium (nécessaire au fonctionnement de cette source d’énergie), on déplore une augmentation de celui-ci à hauteur de 10 % entre début 2019 et décembre 2021.

Or, nous avons vu précédemment que depuis le deuxième trimestre 2020 le prix mondial du gaz a été multiplié par cinq, le prix mondial du charbon par trois, et le prix mondial du pétrole par deux. L’uranium a donc tout de même moins augmenté que les énergies fossiles sur la même période.

Autrement dit, le pic du prix de l’uranium atteint en juin 2007 est heureusement loin d’être atteint.

En termes de production, le nucléaire fournit 67 % de l’énergie électrique nationale. Et pourtant, il y a bel et bien une hausse vertigineuse du prix de l’électricité sur le marché de gros en France !

Entre début 2021 et début 2022, le prix de l’électricité est passé de 45 € à 300 €, soit une augmentation de 558 %, ou une multiplication par près de six. Cette hausse du prix de l’électricité - qui a atteint 540 € au tout début de l’année 2022 - contraste fortement avec la stabilité qui a été la sienne entre 2015 et 2020.

Alors comment expliquer cette déconnexion entre le prix de l’uranium et celui de l’électricité sur le marché de gros en France ?

L’explication réside dans la manière dont est fixé le prix du mégawattheure en Europe : il est établi en prenant en compte le coût de production de l’électricité par la dernière centrale thermique appelée en cas de pic d’activité. Or, la dernière centrale appelée en cas de pic se trouve… en Allemagne et fonctionne au gaz.

Ce fonctionnement insensé que l’on doit au cadre européen a pour conséquence fâcheuse que la facture d’électricité en France est basée sur…le prix du gaz. Or, comme le gaz atteint des prix exorbitants, l’électricité suit la même dynamique.

Autrement dit, cette augmentation qui a un impact très violent sur le pouvoir d’achat des ménages n’est en rien liée à la valeur des matériaux nécessaire à sa production (l’uranium), elle est uniquement due à une méthode de calcul et de réglementation propre à l’Union européenne, et aurait donc pu être évitée.

Conclusion

Le prix de l’énergie mondiale a donc augmenté de près de 60 % depuis 2019. Après une chute des prix liée à la baisse d’activité durant la crise sanitaire de 2020, ces derniers sont fortement repartis à la hausse avec la reprise économique mondiale, qui a fait apparaître une offre insuffisante.

Même si l’on note l’augmentation significative du prix du pétrole et du charbon, le gaz est sans conteste l’énergie dont le prix a le plus fortement augmenté, notamment en Europe. Ceci est en grande partie lié à des raisons géopolitiques : les tensions entre l’Europe et la Russie autour du gazoduc Nordstream 2 avaient commencé en 2021 et se prolongent aujourd’hui depuis le début du conflit en Ukraine. Or, la Russie fournit 40 % du gaz européen.

La France, bien que produisant la majeure partie de son énergie grâce au nucléaire, pâtit de cette hausse du prix du gaz, dont le prix est directement lié à celui de l’électricité, en raison de la réglementation européenne. Tout ceci pèse fortement sur les ménages et les entreprises françaises, d’autant plus que rien n’indique que les prix de l’énergie sont amenés à baisser de nouveau à court terme.

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