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Les chiffres du chômage récemment publiés par le gouvernement sont en baisse. Si la reprise de l'emploi pour certaines catégories de chômeurs est réelle, elle s'accompagne d'une hausse des radiations et d'une augmentation de la précarité de l'emploi. Par ailleurs, le nombre d'inscrits à Pôle emploi se situe toujours à des niveaux historiquement hauts.
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En France, il existe plusieurs manières de définir un « chômeur » et donc de mesurer le chômage. Pôle emploi distingue ainsi cinq catégories de chômeurs. La catégorie la plus utilisée dans le débat public est la catégorie A, qui désigne une personne sans emploi, à la recherche de n’importe quel type de contrat, et tenue de rechercher activement un emploi.
Cependant, c’est la définition du BIT (Bureau International du Travail) qui est utilisée par l’INSEE pour calculer le taux de chômage, pour les comparaisons internationales, et que la plupart des médias et des hommes politiques utilisent. Le BIT définit un chômeur comme une personne sans emploi, n’ayant pas travaillé dans une semaine de référence, disponible sous quinze jours pour prendre un emploi, et en recherche active d’emploi dans le mois précédent.
Selon Pôle emploi, en janvier 2022, le nombre de chômeurs en « catégorie A » a diminué de 3 % par rapport au mois précédent, avec 102 000 chômeurs de moins. Le nombre de chômeurs au sens large (catégories A à E) a également légèrement diminué par rapport au mois précédent, avec une baisse de 41 000 chômeurs. Le nombre d’intérimaires a quant à lui continué d'augmenter.
Si l’on considère l’ensemble des catégories définies par Pôle Emploi depuis trente ans, le nombre de chômeurs en France a augmenté significativement.
Le chômage a d’abord augmenté dans les années 1990, notamment sous l’effet de la récession ayant frappé l’Europe à cette période. En effet, tandis que les États-Unis connaissent un dynamisme économique significatif entre 1992 et 2000, le continent européen vit une période de croissance molle.
En avril 1999, le chômage global touche ainsi 4,6 millions de personnes en France, soit 17,5 % de la population active. Les chômeurs de catégorie A représentent alors 12,5 % de la population active (3,3 millions de personnes), tandis que le BIT recense 10,3 % de chômeurs.
Le chômage français entame alors une baisse — heurtée par l’explosion de la bulle internet qui fait augmenter le chômage entre 2001 et 2004 — jusqu’en avril 2008. Il y a alors 3,7 millions de chômeurs au sens large en France (13 % de la population active) dont 2,2 millions de chômeurs de catégorie A (7,6 % de la population active), le même chiffre que celui du BIT.
La crise des subprimes éclate et propulse le chômage vers des niveaux historiquement hauts. En décembre 2015, le nombre de chômeurs de catégorie A atteint 3,8 millions, soit 13 % de la population active, quand le BIT recense 10,5 % d’actifs innocupés. Le nombre de chômeurs au sens large continue de progresser, et touche 6,6 millions de personnes en juillet 2017, soit 22,5 % de la population active.
À partir de janvier 2016, le chômage de catégorie A décroît, pour atteindre 3 484 000 chômeurs en février 2020 soit 11,8 % de la population active, son plus bas niveau depuis février 2013. Le chômage au sens du BIT atteint même 7 %, son plus bas niveau depuis 30 ans, en avril 2020.
En mars 2020, la crise du Covid-19 provoque alors une hausse brutale du chômage : le chômage de « catégorie A » bondit à 15,5 % de la population active en avril 2020 (14 % sur une courbe lissée), et à 9,3 % en août 2020 selon le BIT. Le chômage au sens large bondit également pour atteindre 23 % en mai 2020.
En 2021, le chômage de catégorie A est retombé rapidement, pour s’établir à 11 % en janvier 2022 (3,2 millions de personnes), en dessous de son niveau d’avant la crise sanitaire. Le chômage au sens large a quant à lui stagné sur plateau (23 %), avant de baisser fin 2021, pour retrouver son niveau d’avant crise en janvier 2022 (21,7 %). Le chômage au sens du BIT a lui aussi stagné sur un plateau (8 %) avant de retrouver son niveau d’avant crise en janvier 2022 : 7,7 % des actifs.
Le niveau de chômage — qu’il soit mesuré par Pôle emploi ou le BIT — est donc encore supérieur à celui enregistré à la veille de la crise de 2008, ce qui illustre bien l’ampleur de cette crise, dont les conséquences sont encore largement visibles. Le graphique ci-dessous rend d’ailleurs bien compte de la longue période d’augmentation du chômage (en catégorie A) consécutive à la crise de 2008.
On remarque également un phénomène identifiable depuis 2009 : le taux de chômage au sens du BIT diverge de plus en plus du nombre d’inscrits en catégorie A à Pôle emploi. Ceci s’explique du fait qu'un nombre croissant d'inscrits en catégorie A ne correspond pas à la définition du chômage au sens du BIT. Ainsi, en 2017, 44 % des inscrits en catégorie A à Pôle emploi n’étaient pas chômeurs au sens du BIT, selon l’INSEE.
En effet, le BIT ne considère pas comme chômeurs les personnes situées dans le « halo du chômage », alors que ces derniers peuvent être inscrits en catégorie A chez Pôle Emploi. Il peut par exemple s’agir de personnes en formation. Par ailleurs, le BIT ne considère pas comme chômeurs des personnes « inactives hors halo », qui peuvent être inscrites en catégorie A chez Pôle emploi. C’est le cas de certains seniors proches de la retraite, qui ne mènent plus de recherche active d’emploi.
Il n’est donc pas surprenant que nos dirigeants politiques préfèrent communiquer le taux de chômage du BIT, bien moins élevé, puisqu'il ne comptabilise pas une grande partie des chômeurs situés dans le halo du chômage ou considérés comme « inactifs ».
Un nombre d’offres record, mais insuffisant face au chômage de masse
En regardant le nombre d’offres d’emplois collectées par Pôle Emploi chaque mois, on remarque une certaine stabilité entre 2000 et 2020. Ce chiffre oscille ainsi autour de 250 000 offres mensuelles, avec un pic à 315 000 en novembre 2007 et un minimum de 215 000 en janvier 2015.
La crise du Covid-19 a fait chuter le nombre d’offres d’emploi à un minimum historique de 74 900 en avril 2020, lors du premier confinement. Le nombre d’offres d’emploi a ensuite rapidement augmenté : en janvier 2022, il s’établit à 350 000, un niveau historiquement élevé.
On remarque, en changeant la périodicité du graphique, que le deuxième confinement national, débuté le 30 octobre 2020, a été bien moins violent que le confinement de mars sur le plan de l’emploi. Le nombre d’offres d’emplois collectées a ainsi chuté de « seulement » 28 000 en novembre 2020, contre une chute de 210 000 lors du confinement de mars 2020.
Par ailleurs, depuis 2013, Pôle emploi diffuse également les offres d’emploi collectées par des organismes partenaires (sites d’emploi, réseaux sociaux professionnels, etc.).
La comptabilisation de ces offres est disponible depuis 2015 et montre que les partenaires de Pôle emploi collectent entre 300 000 et 450 000 offres d’emploi chaque mois depuis 2016, soit davantage que Pôle emploi. En décembre 2021, l’écart s’est creusé : les partenaires de Pôle emploi ont ainsi collecté 640 000 offres d’emploi, contre 340 000 pour Pôle emploi.
Dès lors, même si toutes ces offres étaient pourvues, il resterait toujours plusieurs millions de chômeurs en France.
Si l'on s'intéresse au devenir des offres déposées à Pôle emploi, on constate que 86 % des offres d'emploi sont pourvues, ce qui représente 2,7 millions d’embauches, dont 60 % en CDI ou en CDD de plus de 6 mois. Par ailleurs, 3 % des offres sont annulées, 5 % sont toujours en attente de trouver preneur, et 6 % sont abandonnées, ce qui représente entre 250 000 et 400 000 offres chaque année.
Parmi ces offres abandonnées, 60 % correspondent à des emplois durables, soit environ 200 000 offres. L’abandon de recrutement faute de candidats reste un phénomène très limité, représentant environ 3% du nombre total d’inscrits à Pôle Emploi (200 000 annulations sur 6 600 000 inscrits) :
Les abandons de recrutements sont plus fréquents dans les entreprises de moins de dix salariés, pour les postes d’ouvriers, ainsi que dans le secteur de la construction.
Si les recruteurs évoquent comme principales raisons de ces abandons de recrutement le manque de motivation (67 %), de compétences (60 %), d’expérience (57 %) ou l’insuffisance de la formation (55 %), il peut également l’être par l’inadéquation entre les contraintes du poste (distance domicile-travail, travail de nuit) et les disponibilités des candidats.
Ruptures conventionnelles au plus haut et hausse des radiations
Les entrées mensuelles à Pôle emploi sont passées de 300 000 en janvier 1996 à 368 000 en janvier 2022. Les graphiques ci-dessous montrent que les motifs d’entrées mensuelles n’ont pas varié dans de grandes proportions ces 25 dernières années. Ainsi, la part des démissions, des recherches de premier emploi et des fins de contrat d’intérim est restée relativement stable parmi les motifs d’entrée à Pôle emploi.
On peut néanmoins identifier quelques phénomènes marquants (sans tenir compte de la hausse brusque du motif « Retour d’activité » en 2016, dû à une refonte des motifs d’entrée à Pôle emploi).
Le dispositif de rupture conventionnelle — mis en place en août 2008 — a pris une place croissante parmi les motifs d’entrée à Pôle emploi. Depuis 2018, le nombre de personnes entrant à Pôle emploi à la suite d’une rupture conventionnelle s’est stabilisé autour de 35 000 chaque mois, soit 9 % du total des entrées. Ce chiffre s’établit à 37 000 en janvier 2022, un plus haut historique.
Cette procédure a mécaniquement engendré la baisse des entrées à Pôle emploi pour cause de licenciement à partir de 2008. Ainsi, en prenant en compte tous les types de licenciements, ceux-ci représentaient 70 000 entrées mensuelles à Pôle emploi fin 2008, contre 44 000 en janvier 2022.
L’intérim a été une variable d’ajustement pour les entreprises durant la crise du Covid-19, puisqu’un afflux de personnes en fin de contrat d’intérim a eu lieu en avril 2020, au plus fort de la crise sanitaire (52 000 entrées), avant de redescendre rapidement et de s’établir à 25 000 en janvier 2022, en-dessous du niveau pré-pandémie.
Tout comme le nombre d’entrées mensuelles, le nombre de sorties mensuelles de Pôle emploi a également progressé depuis 1996, passant de 340 000 à 550 000 en janvier 2022. La crise sanitaire de 2020 ne semble pas avoir eu de conséquences majeures sur la structure des motifs de sortie de Pôle emploi.
Quelques tendances se dégagent tout de même de l’analyse graphique :
- Une augmentation de la part des défauts d’actualisation dans le nombre de sorties : elles représentaient 90 000 personnes en 1996, soit 27 % des sorties, contre 220 000 en janvier 2022, soit 40 % des sorties.
- Une légère hausse des sorties pour stages ou formation, qui représentaient 34 000 sorties (10 % des sorties) en 1996, contre 66 000 en janvier 2022, soit 12 % des sorties.
- Une hausse des radiations administratives. Entre 2006 et 2019, les radiations administratives de Pôle emploi se sont stabilisées légèrement en dessous de 50 000 par mois. Après une chute liée à la crise du Covid-19, le rythme mensuel de radiations a retrouvé son niveau historique en janvier 2022, avec 48 000 radiations enregistrées.
Après une brusque hausse lors de la crise du Covid-19, le chômage de catégorie A est donc retombé en France, pour atteindre en janvier 2022 un niveau inférieur à celui qui prévalait avant la crise sanitaire. Le chômage au sens large et le chômage mesuré par le BIT ont quant à eux retrouvé leur niveau de début 2020.
Cependant, la baisse du chômage au sens large masque la hausse de 8,6 % du chômage de catégorie C en 2021, qui regroupe les personnes qui ont travaillé plus de 78 heures sur un mois et ne peuvent pas vivre de leur seul salaire. De la même manière, selon l’Insee, les deux tiers des 107 000 emplois nets créés au quatrième trimestre 2021 sont dans l’intérim, ce qui porte à 830 000 le nombre d’intérimaires en France, un chiffre record. La diminution du chômage s’accompagne donc d’une précarisation de l’emploi.
Par ailleurs, la crise de 2008 continue d’avoir des conséquences en 2022, puisque le niveau d’emploi qui prévalait auparavant n’a toujours pas été retrouvé. En cela, la crise des subprimes a été plus dévastatrice sur le plan de l’emploi que la crise sanitaire de 2020.
Annexes
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