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Inflation : les lourdes conséquences de la planche à billets de la BCE

En France, la masse monétaire n'a cessé de croître sur les quarante dernières années. Son niveau a même explosé suite aux mesures prises par la BCE lors de la crise sanitaire, pour soutenir l’activité économique mais aussi venir au secours de l’épargne des plus riches. Tout ceci n’a pas été sans conséquence pour notre économie, qu'il s'agisse de la crise inflationniste ou de celle du surendettement public. On vous explique tout.

Graphe Économie
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publié le 15/10/2023 Par Olivier Berruyer
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La masse monétaire d’un pays désigne la quantité de monnaie qui y est en circulation. Si la notion de « monnaie » (voir sa définition ici) ne posait guère de problème jusqu’au début du XXe siècle – il s’agissait donc des pièces de monnaie et des billets –, la situation s’est largement compliquée par la suite. Il y a d’abord eu le développement de la bancarisation (la monnaie se trouve désormais principalement dans des comptes en banque), puis de la multiplication des supports d’épargne (livrets, obligations, etc.).

Au fil du temps, les banques centrales ont défini des instruments de mesure de la monnaie, appelés « agrégats monétaires ». Ces différentes « masses monétaires » dépendent en effet de la définition retenue de la monnaie. Il y en a trois principales, qui s’emboitent comme des poupées russes :

  • M1 est un agrégat étroit, le plus liquide et le plus facilement mobilisable, qu’on peut qualifier de « monnaie » classique. Il regroupe les pièces et les billets en circulation dans le secteur non bancaire ainsi que les dépôts à vue des clients sur leurs comptes bancaires ;
  • M2 est un agrégat intermédiaire ; il est devenu significatif dans les années 1960. Il regroupe M1 ainsi que l’épargne à court terme, soit les comptes sur livrets et les dépôts à court terme (Livrets A, Livret de développement durable, Compte épargne logement) ;
  • M3 est l’agrégat le plus large, et donc le moins liquide ; il est devenu significatif dans les années 1980. C’est lui que la BCE considère comme la meilleure mesure de la « masse monétaire ». Il regroupe M2 ainsi que divers placements monétaires, généralement des placements à moyen et long terme (OPCVM, SICAV monétaires).

Depuis 40 ans, une explosion de la masse monétaire française

Depuis 40 ans, la masse monétaire française (M3) a augmenté de façon spectaculaire, passant de 1 000 à 3 500 Md€ en monnaie constante. L’argent très liquide (M1) représente environ la moitié de la monnaie totale.

Les années 1980 illustrent bien l'émergence des placements à long terme (M3-M2) dans la masse monétaire. Malgré des fluctuations importantes, cette fraction de la masse monétaire est aujourd’hui à son niveau d’il y a 30 ans. En revanche, l’argent liquide (M1) et l’épargne des ménages (M2-M1) ont explosé, le premier ayant quintuplé et le second presque triplé en monnaie constante depuis le début des années 2000.

En 2022, pour la première fois depuis des décennies, M1 s’est mis à fortement chuter. Cependant, la moitié de cette baisse correspond en réalité à des transferts vers des livrets d’épargne plus rémunérateurs en raison du retour de l’inflation.

Les causes : bulle immobilière et planche à billets

Ce bouleversement monétaire spectaculaire a deux origines. La première est le développement de la bulle immobilière à partir de 1997. Les banques ont prêté de plus en plus aux ménages, et une partie de ces sommes a résulté de la création monétaire des banques commerciales, selon le principe « les crédits sont les dépôts ».

C'est à cette période que les pouvoirs publics ont commencé à perdre le contrôle de la monnaie, à commencer par la masse monétaire M1, dont l’évolution parle d’elle-même – sachant que cette hausse ne résulte pas d’un transfert (par exemple depuis les comptes d’épargne). C’est bien de la monnaie « toute neuve ».

Le second bouleversement monétaire a été déclenché par la création monétaire de la Banque Centrale Européenne, dont le but était de soutenir les États en rachetant de la dette publique. Ce phénomène s'observe surtout à partir de la crise de 2015, comme nous l’avons expliqué dans cet article : c’est l’héritage du « quoi qu’il en coûte » de Mario Draghi. Elle a inversé le mouvement en 2023, détruisant donc de la monnaie.

Depuis une dizaine d’années, c’est cette création monétaire de la BCE qui a joué le rôle le plus important dans l’augmentation de la masse monétaire.

Une création monétaire au profit d’une infime minorité

Cette courbe M1 laisse songeur, car rappelons qu’il s’agit principalement de la somme de tout l’argent présent sur les comptes en banque (l’évolution de l’encours des pièces et billets est marginale dans cette hausse). Or, il est manifeste que la vaste majorité de la population n’a pas observé une telle évolution – multiplication par 5 – du total de ses comptes en banques. Seule une infime minorité d’acteurs économiques a donc bénéficié de ce flot de nouvelle monnaie.

En réalité, ces interventions de la BCE visaient à rembourser la dette publique détenue par les quelques % les plus riches de la population, afin qu’ils ne courent plus le risque d’un défaut des États, et ce sans que les contribuables (et surtout les plus aisés) ne voient leur épargne ponctionnée par des impôts. On retrouve ici une tendance connue du néolibéralisme : la privatisation des bénéfices (réductions d’impôts et intérêts de la dette publique perçus) et la collectivisation des pertes (risque de défaut des États). Cela signifie aussi que l’argent créé a finalement bénéficié davantage aux plus riches et non aux plus pauvres.

Le summum : 17 % de croissance de la masse monétaire en 2020

La BCE a donc renié les principes de gestion monétaire des Trente Glorieuses en laissant totalement filer la masse monétaire ; celle-ci a finalement connu une croissance de 17 % (en plus de l’inflation) en 2020.

Dans les trimestres qui ont suivi, nos économies ont vu le retour historique d’une inflation élevée, bien avant la guerre en Ukraine. En l’espèce, les causes principales étaient à trouver dans l'inadéquation entre l’offre et la demande après la crise du Covid, puis dans l’explosion des prix de l’énergie. Mais la création monétaire n’est cependant pas sans lien avec tout ceci, par exemple, en ayant donné au secteur financier les moyens de spéculer sur les prix de l’énergie, ce qui les a poussés à la hausse.

Un énorme surplus de monnaie depuis 15 ans

Cependant, le besoin de monnaie augmente naturellement avec la croissance économique. L’analyse de M3 exprimée en pourcentage du PIB permet donc de mieux cerner les périodes « anormales ». En effet, cette proportion devrait être relativement stable, et c’est bien ce qui s’est passé durant un quart de siècle, entre 1980 et 2005, où la monnaie représentait environ 70 % du PIB.

Pour les raisons que nous avons évoquées, la masse monétaire a finalement atteint 130 % du PIB avant de récemment reculer quelque peu pour se rapprocher des 120 %. Cela signifie que, pour des raisons de gestion économique à court terme (avec le bénéfice électoral lié), les gouvernements ont laissé le secteur bancaire, d’abord privé puis la BCE, créer un surplus monétaire de 50 % à 70 %. Cela ne pouvait que générer de gros problèmes économiques à long terme.

En retour, la baisse actuelle de la masse monétaire est d’une ampleur rare, inconnue depuis la crise de 1993-1994.

Cette baisse est principalement liée à une destruction de monnaie par la banque centrale. Elle vise ainsi à dégonfler son bilan et à réduire l’inflation. Mais les sommes en jeu sont trop faibles pour avoir beaucoup d’effets visibles. Par ailleurs, en raison de l’inflation élevée, les épargnants transfèrent aussi une partie de leur épargne vers d’autres types d’investissements plus rémunérateurs.

Cela devrait donc impacter l’activité économique dans les trimestres à venir. En effet, la banque centrale crée de la monnaie pour accélérer l’activité ; cette dernière a donc tendance à baisser quand la masse monétaire baisse.

Quel est le lien entre la monnaie et l’inflation ?

Il est difficile de parler en détail de masse monétaire sans parler de sa relation avec le niveau des prix. Le lien entre création monétaire et inflation a en effet toujours fait l’objet de débats passionnés entre économistes, les monétaristes expliquant que l’inflation est toujours causée par l’augmentation de la masse monétaire, d’autres économistes expliquant que ces deux phénomènes n'ont pas le moindre lien.

Comme souvent, la réalité est à la fois plus complexe et nuancée. Il y a une trentaine d’années, la Banque de France résumait ainsi la problématique :

« L’existence d’une relation à long terme entre la masse monétaire et le niveau des prix n’est guère contestée. Cependant, la question de savoir si c’est le niveau des prix qui s’adapte aux variations exogènes de la masse monétaire ou si, au contraire, cette dernière accompagne la tendance à la hausse des prix est toujours débattue. »

Les débats partent d’une équation triviale postulant que la monnaie sert à acheter des choses, ce que les économistes ont pu écrire sous la forme « M · V = P · Y», avec M la quantité de Monnaie en circulation, V la Vitesse de circulation de la monnaie (c’est-à-dire le nombre de transactions effectuées par la monnaie), P le niveau des prix et Y le volume de production (c’est-à-dire le PIB réel, P · Y étant le PIB nominal). La partie gauche représente donc le pouvoir d’achat de la monnaie et la partie droite, les achats effectués, qui sont par nature identiques. Il s'agit d'une égalité mathématique ; ces 4 données sont donc intrinsèquement liées, mais il reste à savoir comment l’équilibre s’opère.

Les monétaristes défendent la théorie quantitative de la monnaie qui considère, pour simplifier, que la vitesse de circulation est pratiquement constante, et que le PIB est indépendant de la quantité de monnaie en circulation. Sous ces hypothèses, en effet, il existerait une relation directe entre la monnaie et les prix, et toute hausse de la quantité de monnaie entraînerait mécaniquement de l’inflation. La réalité est un peu plus complexe, principalement car les acteurs économiques ne sont ni des robots ni des êtres parfaitement informés. Keynes a développé ce dernier point, qui se réfère à un biais cognitif appelé « l’illusion monétaire ».

Cette illusion repose sur le fait que les citoyens raisonnent sur les valeurs affichées des prix, sans correction de l’inflation. Et donc, dans un environnement avec une inflation de 6 %, ils ont tendance à penser, après avoir reçu une hausse de salaire de 4 %, que leur salaire a augmenté, alors qu’il a en réalité baissé. Dès lors, dans un environnement où la masse monétaire M a augmenté, les prix augmentent, mais les consommateurs peuvent aussi augmenter leurs achats, et donc le PIB. La création monétaire aurait alors un effet de stimulation de l’activité économique.

Les monétaristes répondent en général que la création monétaire peut en effet avoir un effet d’accélération de l’économie à court terme, mais qu’elle conduit mécaniquement à une hausse de l’inflation à moyen terme, dont les effets négatifs compensent les effets positifs initiaux. C’est ce qu’on appelle la théorie de la neutralité de la monnaie, qui postule donc que la monnaie ne peut avoir d'effets réels à long terme sur l'économie ; augmenter la quantité de monnaie ne pourrait alors que faire augmenter à terme l’inflation, sans réellement stimuler la production et la consommation. Elle induit que la masse monétaire doit croître au même rythme que le PIB.

La vision largement dominante en économie veut que la monnaie soit bien neutre à long terme (c’est-à-dire qu’elle a principalement un effet sur l’inflation mais presque aucun sur l’activité économique), tout en ayant des effets à court terme en raison des mauvaises anticipations des agents économiques et du temps d’ajustement des marchés de biens. Voici ce qu’on peut lire dans le manuel universitaire de référence Macroéconomie, de l’économiste Gregory Mankiw (de la nouvelle école keynésienne) :

« De nombreux économistes pensent que sur de courtes périodes de temps – en l’espace d’un an ou deux – il y a des raisons de penser que les changements monétaires ont des effets importants sur les variables réelles [comme le PIB réel]. […] De nombreux économistes [estiment que la théorie de la neutralité de la monnaie est] une description de l’économie à long terme. Au cours d’une décennie ou à plus long terme, par exemple, les changements monétaires ont des effets importants sur les variables nominales (comme le niveau des prix), mais seulement des effets négligeables sur les variables réelles (comme le PIB réel). Lorsqu’ils étudient les changements à long terme de l’économie, de nombreux économistes pensent que la neutralité de la monnaie offre une approximation raisonnable de la façon dont le monde fonctionne. »

Quelques exemples et explications du lien entre monnaie et inflation

Que faut-il en penser ? Eh bien tout d’abord, qu’en effet, on constate historiquement et dans de nombreux pays un très fort lien entre l’inflation et la masse monétaire, comme ici au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

La Banque des Règlements Internationaux (BRI, surnommée « la banque centrale des banques centrales ») a récemment illustré la forte corrélation empirique entre l’inflation et le surplus de création monétaire (c’est-à-dire la croissance qui dépasse celle du PIB), en particulier quand les taux de croissance deviennent importants.

D’où vient concrètement cette relation entre les prix et la monnaie ? C’est en réalité assez simple : ceci est lié au mécanisme de la formation des prix. En effet, on peut se demander pourquoi tel produit vaut tel prix, et pas 10 % ou 50 % plus cher ou moins cher ? Eh bien c’est la rencontre entre l’offre (qui propose un produit pour le plus cher possible) et la demande (qui propose en échange le moins de monnaie possible) qui produit cet équilibre de façon empirique (pour ne pas dire quelque peu mystérieuse). Et s’il y a plus de monnaie, les demandeurs seront plus riches et donc capables de payer plus, ce dont se rendent compte les offreurs, ce qui aboutit à un équilibre plus élevé.

Prenons un exemple théorique simple : imaginons que Bernard Arnault veuille vous acheter, pour une raison étrange, votre vieille voiture – la vôtre et aucune autre au monde. Vous allez donc très certainement la lui proposer sans vergogne à 1 million d’euros, car vous savez que cela ne représente que 1 heure de ses gains en 2022. Et il va certainement accepter de vous l’acheter. La valeur d’un bien n’est pas intrinsèque, elle dépend aussi du pouvoir d’achat des acheteurs.

Une autre façon de voir les choses consiste à comprendre que, si on double la quantité de monnaie, cela va avoir pour conséquence de diminuer la valeur de chaque élément monétaire, et, au fil du temps, les millions de rencontres entre l’offre et la demande aboutiront à un quasi-doublement des prix. C’est comme si on changeait administrativement l’étalon-mètre, et qu’on décidait qu’un mètre est désormais représenté par 50 cm actuels. À long terme, toutes les tailles doubleraient, et la modification n’aurait quasiment aucun impact réel. Mais à court terme, il y aurait sans doute bon nombre de confusions et d’erreurs, donc des impacts réels.

Au niveau macroscopique, un cas largement étudié est celui de la Révolution des prix au XVIe siècle. Jusque-là, comme la masse monétaire était métallique, composée d’or et d’argent, elle n’augmentait que très peu, au rythme de production de ces métaux rares ; l’inflation était alors quasiment nulle. Mais la découverte des Amériques a fini par faire exploser les importations de métaux précieux – plus de 40 000 tonnes en deux siècles, alors qu’antérieurement, la production était de quelques tonnes ou dizaines de tonnes par an. Cette multiplication par 5 à 10 de la production de monnaie fut la cause principale de la multiplication par 5 des prix en Europe occidentale en quelques décennies.

C’est à cette époque que le français Jean Bodin a été l’un des premiers à jeter les bases de la théorie quantitative de la monnaie, dans ses Six livres de la République (1576) :

« Voilà, Monsieur, les moyens que nous ont apportés l’or et l’argent en abondance depuis deux cents ans. Il y en a beaucoup plus en Espagne et en Italie qu’en France […] aussi tout est plus cher en Espagne et en Italie qu’en France. […] C’est donc l’abondance d’or et d’argent qui cause en partie la cherté des choses. »

Mais les choses sont moins claires depuis les années 1980 pour plusieurs raisons. D’abord, le développement de multiples produits financiers a fini par rendre assez flou le périmètre de ce qu’on peut considérer comme de la monnaie. Ensuite, l’internationalisation a fait virevolter les milliers de milliards chaque semaine, ce qui rend assez flou le périmètre géographique sur lequel un phénomène inflationniste d’origine monétaire va jouer. C’est ce qui explique que la vitesse de la monnaie (le V de la fameuse équation « M · V = P · Y », qui indique combien de fois un euro de monnaie est utilisé pour générer un euro de PIB) ne soit plus constante depuis les années 1990.

Enfin, la concentration de richesses, le développement de bulles immobilières, les soutiens massifs aux secteurs bancaire et financier, etc., ont fini par dévier les effets inflationnistes de la monnaie. Car quand on parle « des prix » (ou de l’inflation), on parle de ceux des produits consommés, on ne parle pas de ceux des actifs. Depuis l’an 2000, l’inflation (des prix à la consommation) était très basse. Mais l’argent créé par les banques a alimenté de nombreuses bulles sur les actifs, comme les actions, les obligations, les matières premières. Mais la plus néfaste pour les citoyens a été la bulle immobilière : le prix d’achat d’un logement a doublé ou triplé, ce qui est bien une inflation, mais elle n’est pas comptabilisée dans l’indice d’inflation dont on parle habituellement.

L’exemple immobilier illustre de nouveau le mécanisme d’inflation monétaire issu de la formation des prix. Comme on l’a expliqué dans cet article, un achat immobilier se finance généralement par un crédit immobilier, et celui-ci consiste, avec un budget mensuel donné, à obtenir de la monnaie, qui se répartit en pratique entre le vendeur immobilier et le banquier, en fonction du taux d’intérêt du crédit. Quand les taux ont fortement baissé durant les années 2000, le coût du crédit a nettement baissé, ce qui revient donc, à budget mensuel constant, à pouvoir emprunter plus d’argent et donc, en quelque sorte, à « être plus riche ».

En théorie, les prix immobiliers auraient pu rester inchangés, et donc les emprunteurs auraient pu emprunter la même somme qu’auparavant, mais rembourser moins tous les mois ; ils auraient alors disposé de plus d’argent pour consommer, par exemple. Mais en pratique, comme les acheteurs pouvaient disposer de plus d’argent, l’équilibre de formation des prix a été modifié au profit des vendeurs : les acheteurs ont dû emprunter plus d’argent qu’auparavant et les prix ont augmenté. Nouvel exemple de la règle « quand les acheteurs ont plus de monnaie, les prix montent ».

Dès lors, comme la période des taux d’intérêt très bas est désormais révolue pour très longtemps, les prix immobiliers devraient continuer à fortement baisser. Nous vous en reparlerons prochainement.

Une banque centrale « négligente »

Pour conclure, notons que la BCE suit bien les enseignements classiques de la science économique, quant au lien à long terme entre croissance monétaire et inflation. Comme elle s’est fixé depuis 20 ans un objectif d’inflation à 2 %, quand l’inflation a été quasiment nulle en 2015 et 2020, elle a logiquement décidé d’agir.

Mais elle n’a pas seulement utilisé l’outil classique de baisse des taux pour relancer l’économie – probablement, car les taux étaient déjà très bas, à moins de 2 %. Elle a alors « paniqué » et décidé d’utiliser la création monétaire, dispositif de sinistre mémoire inusité depuis des décennies. Et elle a même ouvert de façon « vigoureuse » les vannes de « l’argent magique » pour faire remonter l’inflation, comme elle l’expliquait alors clairement :

Et l’objectif de remontée de l’inflation a été atteint à 100 %. Ou plutôt à 400 %…

Une grave erreur, analysée par la BRI dans un intéressant article de 2023 intitulé « La création monétaire contribue-t-elle à expliquer la récente poussée inflationniste ? ». Sa conclusion, bien que policée, est féroce :

« Un lien peut également être observé dans la récente transition d'un régime d'inflation faible à un régime d'inflation élevée. Une augmentation de la croissance monétaire a précédé l'explosion de l'inflation, et les pays où la croissance monétaire était la plus forte ont connu une inflation nettement plus élevée. L'examen de la croissance monétaire aurait permis d'améliorer les prévisions d'inflation après la pandémie, ce qui suggère que sa valeur informative a peut-être été négligée. »

Traduction : endormis par trois décennies de faible inflation, les banquiers centraux ont oublié les leçons de l’histoire économique, et négligé le fait qu’il pouvait y avoir de lourdes conséquences inflationnistes à faire tourner la planche à billets pour augmenter de 15 % la masse monétaire sur l'année 2020…

Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.

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