Depuis une trentaine d’années, le patrimoine des Français a gonflé bien plus vite que leurs revenus, et a atteint des niveaux historiques. Il est de plus en plus détenu par les générations âgées, qui le transmettent de plus en plus tard. De plus, il est toujours plus concentré entre les mains des plus riches. Or, la fiscalité des transmissions a beau être progressive sur le papier, dans les faits, le système est mité par des niches fiscales, c'est-à-dire des dispositifs d'exonération ou d'exemption qui permettent aux plus grands patrimoines d’y échapper grandement, voire totalement. Dès lors, les inégalités entre héritiers et non-héritiers se creusent et les prémices d’une société moins méritocratique se dessinent.
En 2022, Emmanuel Macron promettait une réforme des droits de succession, dont l’architecture date de plus d’un siècle, mais elle n’aura finalement pas lieu, faute de moyens budgétaires. Un mal pour un bien, puisque la trajectoire qu’il proposait – à savoir de baisser les droits de succession – allait en réalité à contre-courant des constats pourtant unanimes sur le sujet. Le président candidat déclarait alors :
« Les droits de succession seront modifiés pour prendre en compte l’évolution des prix de l’immobilier en ligne directe, en passant de 100 000 à 150 000 € d’abattement, mais surtout en tenant en compte la transformation des familles, des usages, des pratiques, en créant un abattement (de 100 000 €, NDR) pour les liens indirects pour les nièces, les neveux, les petits-enfants et les enfants de conjoints. »
En outre, il était question de permettre aux couples vivant en concubinage de faire une déclaration commune, pour profiter des mêmes avantages fiscaux que les couples mariés ou pacsés. Le message sonne bien : d’un côté, il se dirige vers la classe moyenne « oubliée », pour qu’elle puisse « transmettre les fruits de son travail » ; de l’autre, il propose de s’adapter (enfin !) aux structures familiales contemporaines, alors que l’architecture générale de la fiscalité successorale en France date de plus d’un siècle.
La fiscalité successorale très impopulaire en France
En somme, Macron promettait une baisse des droits de succession au nom de la justice fiscale et sociétale. Une mesure qui fait l’unanimité à droite et qui s’avère ultra-populaire : depuis une trentaine d’années, les Français sont de plus en plus convaincus que les impôts sur les successions sont beaucoup trop élevés (1), y compris ceux qui n’en paient pas (or, ce sont quand même 85 % des Français qui échappent aux droits de succession). Un jugement erroné, qui s’explique par une méconnaissance flagrante de l’héritage et de sa fiscalité, et qui est nourri par un revirement idéologique né-libéral et conservateur datant des années 1970, selon lequel l'État « prend », « vole », voire « spolie », évoquant une « taxe sur la mort », martelant l’attachement des Français à la terre, et invoquant la « liberté » et le « droit » de transmettre « son patrimoine » à « ses enfants ».
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