Le taux d’intérêt est une notion qui semble obscure à beaucoup. C’est pourtant une des sources importantes de la fortune des plus riches, directement ou indirectement. Depuis une dizaine d’années, les choix politiques de la BCE dans la fixation de ces taux ont conduit à augmenter fortement la valeur des actifs financiers, et donc à augmenter encore plus les gros patrimoines et les inégalités. Pire encore, ils ont aussi eu pour conséquence de créer les conditions d’une crise majeure du logement. On vous explique tout.

publié le 01/02/2024 Par Olivier Berruyer

1- 2022 : fin d'un cycle de baisse des taux
2- Un système dysfonctionnel sous perfusion
3- La Banque centrale à la manœuvre
4- Le taux intérêt : fondement du capitalisme
5- De la drogue financière gratuite pour l'État
Ce qu'il faut retenir


Bien que fondamental dans le fonctionnement d’une économie, le taux d’intérêt est rarement analysé, et le grand public ne dispose généralement pas des informations nécessaires pour comprendre toutes les implications des décisions politiques qui concernent ce paramètre central.

Le taux d’intérêt est le prix du temps

Commençons par une définition. Le taux d’intérêt est le prix, généralement exprimé en pourcentage, que doivent payer les agents économiques qui empruntent une somme d’argent. Réciproquement, c’est donc aussi la rémunération que reçoivent les agents économiques qui ont prêté une partie de leur argent. Ce taux tient compte de la durée du prêt et de la nature des risques encourus par le prêteur (et donc des garanties offertes par l’emprunteur). Ainsi, un emprunt de 100 € pour un an à 2 % impliquera de rembourser 102 € à la fin de l’emprunt. De la même façon, un placement de 100 € à 2 % permet de récupérer 102 € au bout d’un an.

Les économistes considèrent généralement que le taux d’intérêt, outre le risque de non-remboursement, correspond à la rémunération du prêteur qui renonce à sa préférence pour la liquidité, perdant la disponibilité immédiate de son argent. C’est en quelque sorte le prix du temps.

2022 : fin d’un cycle historique de baisse des taux d’intérêt

Il est important de bien percevoir le formidable mouvement survenu au cours des 30 dernières années : une baisse des taux d’intérêt d’une ampleur et d’un niveau exceptionnel. Partis de 8 % en 1995, ils ont baissé pratiquement sans discontinuer (à part brièvement durant les crises de 2000, 2008 et 2012) jusqu’à atteindre des valeurs nominales négatives en 2019. Cette situation a perduré durant le Covid et a pris fin en 2022 avec le retour d’un niveau élevé d’inflation.

Les taux actuels, décriés en permanence par la presse financière aux ordres, comme des espèces de taux prohibitifs et insoutenables qu’il convient de baisser au plus vite, sont pourtant à peine à leur niveau de 2012, et 3 fois plus faibles qu’en 1995.

Insistons bien : les taux négatifs étaient jusqu'à récemment un phénomène inconnu dans l’histoire économique. C'est la première fois que des prêteurs suffisamment stupides ont accepté de payer quelqu'un pour qu'il emprunte leur argent, c’est-à-dire accepter de prêter 100 € en sachant qu’ils ne récupéreraient que 99 € à terme. Cette folie économique est essentiellement due au fait que l’épargne est désormais largement gérée par des intermédiaires (type assureurs) qui – sans doute pour maintenir le système financier à flots – ont accepté ce qu’un individu sain d’esprit refuserait. Historiquement, les taux longs n’avaient même presque jamais baissé sous les 3 %.

Dans les 5 000 ans d'histoire des taux d'intérêt avant 1750, ceux-ci n'avaient guère été inférieurs à 4 %.

De même, les taux de court terme n’avaient presque jamais baissé sous les 2 %.

En général, les taux d'intérêt de long terme sont plus élevés que ceux de court terme, en raison d’une prime de risque plus élevée, le prêt durant plus longtemps. En moyenne annuelle, l’écart est même de 1 à 2 points depuis plusieurs décennies.

Un système économique dysfonctionnel depuis 10 ans, sous perfusion publique

Si l'on trace le taux d’intérêt en fonction de la durée, on obtient ce qu’on appelle une courbe des taux, généralement croissante. Mais dans certaines situations de crise, une inversion de la courbe des taux peut avoir lieu, avec des taux de court terme plus élevés. C’est exactement ce qui se passe depuis mars 2023, et qui perdure en ce début 2024. C’est souvent un signe annonciateur d’une récession. Et celle-ci est en effet survenue aux 3e et 4e trimestres 2023.

Comme les taux de court terme sont devenus négatifs en 2014 (et en fait quasi nuls en 2012), cela fait plus d’une décennie que la courbe des taux connaît des anomalies structurelles quasi permanentes (taux négatifs ou inversion de la courbe). C’est la preuve que le système économique dysfonctionne en réalité depuis la crise de 2008, crise dont il ne s’est toujours pas remis. Il n’a retrouvé un semblant de normalité qu’en raison de lourdes interventions publiques : de l’État, bien entendu, avec ses déficits publics massifs, mais surtout de la Banque centrale, avec une baisse historique des taux, puis des taux négatifs et enfin de la création monétaire massive – jusqu’au retour de flamme de 2022.

Le symbole de ce dysfonctionnement du système économique a été la période des taux négatifs, qui a duré entre 2014 et 2022 pour les taux courts, et entre 2019 et 2021 pour les taux de 10 ans. Au plus bas, il s'est même trouvé des acheteurs de titres à 30 ans au taux royal de +0,5 %, certes positif, mais dont la perte de valeur réelle sur les 30 prochaines s'annonce colossale.

La Banque centrale à la manœuvre

Alors pourquoi ces taux ont-ils autant baissé depuis 30 ans ? Il y a différentes raisons de fond mais, au final, la cause est politique. Si le taux d’intérêt est en théorie librement fixé entre les parties, il évolue cependant dans un cadre fixé à l’intérieur d’un pays. En effet, en France comme en Occident :

  • les taux d'intérêt à court terme (3 mois, 1 an) sont fixés sur le marché monétaire, où la banque centrale joue un rôle déterminant, en fixant ses taux directeurs ;
  • les taux d'intérêt à moyen et long terme (3 ans, 10 ans, 25 ans), appelés aussi rendements obligataires, sont fixés librement par le marché obligataire, mais généralement en cohérence avec les taux de court terme – sauf en cas de crise.

C’est donc la BCE qui a décidé de volontairement baisser ses taux directeurs de manière très marquée. Dans les années 1990 et au début des années 2000, la baisse était normale ; c’était un lent retour à la normale après la forte hausse des années 1980 qui avait réussi à casser la forte inflation. Mais à partir de la crise de 2008, la BCE a clairement rompu avec deux siècles de gestion « normale » de la monnaie. C’est bien pour cela qu’elle a qualifié ses politiques de « non conventionnelles », autrement dit « la situation étant désespérée, on va faire n’importe quoi, bonne chance à tous ».

À la décharge de la BCE, elle a participé à un large mouvement mondial en Occident, initié lors de la crise de 2008, pour soutenir un système financier dérégulé 20 ans auparavant, et désormais au bord de l’effondrement en raison du gigantisme de ses excès. C’est à ce moment-là qu’ont clairement commencé les politiques de taux anormalement bas.

Les marchés financiers, monétaires comme obligataires, ont alors suivi le mouvement initié par la Banque centrale – d’autant plus facilement qu’il avait clairement pour but de les aider, suivant le fameux précepte du « privatiser les profits quand tout va bien et nationaliser les pertes quand tout va mal » alias « le capitalisme pour les pauvres et le communisme pour les riches ».

Il faut toujours tenir compte de l’inflation

On ne peut pas analyser correctement un niveau de taux d’intérêt si on ne s’intéresse pas en parallèle au niveau d’inflation. On parle de taux d'intérêt « nominal » : cela correspond au taux tel qu'établi au moment de la conclusion du prêt. Et on définit le taux d'intérêt dit « réel » comme la différence entre le taux d’intérêt nominal et le taux d’inflation. Dit autrement, si l'on emprunte à 2 %, et que l’inflation est à 0 % ou à 4 %, ce n’est pas du tout la même chose : dans le premier cas, le taux réel est de +2 % et l’emprunteur s’appauvrit de ce montant, mais dans le second cas, le taux est de -2 % ce qui signifie que l’emprunteur s’enrichit en théorie.

Pour un taux d’intérêt nominal donné, une inflation supérieure à ce taux a tendance à enrichir l’emprunteur (dans le cas où ses revenus suivent bien l’inflation) et à appauvrir le prêteur. C’est exactement ce qui s’est passé avec l’inflation élevée de la fin des années 1970 pour les ménages qui avaient procédé à un achat immobilier quelques années auparavant, et qui bénéficiaient alors de l’indexation des salaires sur les prix, mesure supprimée par Jacques Delors en 1983.

L’analyse des taux réels permet de mieux comprendre la problématique de la baisse des taux. Alors que les taux réels se situaient depuis des décennies à plus de 2 %, niveau relativement classique, ils ont atteint les 1 % de 2008 à 2015, avant de plonger en territoire négatif depuis 2016, où ils se situent encore.

Des taux réels de long terme aussi faibles ne connaissent pas de précédents historiques, mis à part la période 1930-1958, marquée par des crises économiques, de l’hyperinflation et des guerres mondiales et coloniales.

Le taux d’intérêt, fondement du capitalisme

Le rendement du capital est bien évidemment le chiffre que tout investisseur ne quitte pas des yeux. Quand on y retranche l’inflation, on obtient le « taux de rendement pur », c’est l’équivalent du taux d’intérêt réel. Sur longue période, le rendement pur du capital en France a eu tendance à se situer entre +4 % et +6 % par an (en plus de l’inflation).

C’est évidemment bien plus que le taux d’intérêt réel des obligations publiques, les investisseurs plaçant une partie importante de leurs avoirs sur des actifs plus risqués et donc plus rémunérateurs. C'est ainsi que le patrimoine de la cinquantaine de milliardaires français a été multiplié par plus de 5 en une dizaine d’années, représentant une croissance annuelle moyenne de près de +17 % par an.

Cela montre au passage le scandale de la suppression de l’impôt sur la fortune, qui ne taxait au maximum ces patrimoines qu’à hauteur de 1,5 %.

Banque centrale : la macroéconomie versus la microéconomie

Il faut bien comprendre que les taux réels suivent généralement les décisions de la Banque centrale, qui est donc la seule décisionnaire de ces évolutions.

Pour quelles raisons une Banque centrale modifie-t-elle les taux ? Tout d'abord, lorsque l'inflation est supérieure au taux d'intérêt (qui est lui-même supérieur au taux directeur de la banque centrale), cela a tendance à enrichir les emprunteurs. La Banque centrale les pousse donc à s’endetter.

Comme l’indique le site de la Banque de France :

« L’évolution des taux d’intérêt réels dans l’économie peut donc, selon les périodes, plus ou moins soutenir le crédit et inciter d’une part à l’investissement et donc à l’accumulation du capital, d’autre part à la consommation. Dit autrement, la baisse des taux réels favorise l’investissement et la consommation, donc la demande globale. Le canal des taux d’intérêt est d’ailleurs un des principaux canaux de transmission de la politique monétaire de la banque centrale. »

Ainsi, la banque centrale, dont la mission consiste à limiter l’inflation à 2 %, utilise les taux d’intérêts comme un thermostat ou une pédale d’accélérateur de l’économie. Si les taux baissent, l’économie est boostée ; si les taux montent, elle ralentit. Du moins en théorie. Pour un niveau d’inflation donné, il est évident qu’il y aura bien plus de crédits souscrits si les taux sont de 1 % plutôt que de 10 %. Mais les effets sont plus discutables pour une hausse limitée à 0,5 % par exemple.

Par ailleurs, quand l’inflation augmente, la banque centrale craint en général que les salaires augmentent trop, ce qui alimenterait encore plus l’inflation ; la banque centrale a alors tendance à monter ses taux pour « ralentir » l’économie. C’est cette vision qui a poussé la BCE à remonter fortement ses taux en 2022-2023. Elle a parfois été critiquée, car cette inflation étant liée aux prix des matières premières et de l’énergie, elle n’était pas liée à une accélération antérieure de l'économie. Certains analystes considèrent donc que la banque centrale n’aurait pas dû remonter ses taux, et qu’elle a envoyé l’économie en récession « sans raison ».

C’est un raisonnement qui fait sens – mais il a néanmoins l’inconvénient de reprendre la doxa de la banque centrale, à savoir que le taux d’intérêt est l'outil principal de sa politique. Or, le taux d’intérêt est d’abord un outil de la société, et non pas le thermostat à la main de la seule banque centrale. Le taux d’intérêt, au niveau microéconomique, est la rémunération de tous les épargnants/prêteurs. Et cette rémunération est le pilier du maintien du pouvoir d’achat de ces prêteurs. On peut parfaitement souhaiter que cette « rémunération du capital » soit la plus limitée possible, surtout pour les plus riches prêteurs, mais elle ne peut pas devenir erratique, voire injuste, au risque de voir fuir les prêteurs et investisseurs.

Ainsi, mi-2023, l’inflation annuelle était de 6 à 7 %, et les taux d’intérêt de 3 % à 4 %, proches des taux directeurs de la banque centrale. Cela a abouti à un taux réel de -2 % à -3 %, ce qui signifie que les épargnants ont perdu 2 à 3 % de leur pouvoir d’achat. C’est le cas de toute l’épargne populaire placée sur le Livret A par exemple. Cette situation est parfaitement injuste, et cela s’est produit régulièrement tout au long du XXe siècle.

Dès lors, on peine à comprendre les critiques de certains : si, quand l’inflation est à 7 %, on hurle sur la banque centrale qui a monté ses taux à 4 % (en laissant donc les taux réels en territoire négatif) à combien devraient-ils être ? 2 % ? 0 % ? -2 % ? Mais avec quelle conséquence sur l’épargne et l’investissement ?

En réalité, hors cas de crise manifeste plongeant l’économie en récession, les taux directeurs devraient se situer à un niveau proche de celui de l’inflation. Si cela n’aide pas l’économie, il revient alors à l’État d’intervenir pour mener une politique budgétaire expansive.

Enfin, soulignons un point qui laisse dubitatif : si le thermostat marchait si bien, s’il était utilisé au bénéfice du plus grand nombre, où diable est passée la formidable croissance économique qui aurait dû être générée par les taux d’intérêt probablement les plus bas de toute l’histoire humaine ?

Des taux bas pas perdus pour tout le monde

Si cette politique de la banque centrale n’a pas profité au plus grand nombre, elle a en revanche profité aux plus fortunés, la Banque centrale ayant historiquement joué le rôle de bras armé de l’oligarchie. La baisse des taux a en effet augmenté la valeur de nombreux actifs financiers. C’est par exemple le cas de la Bourse, que nous avons analysé dans cet article.

Mais bien évidemment, c’est l’immobilier qui a le plus profité de la baisse des taux, au détriment des jeunes générations. Car le taux d’intérêt est au cœur du fonctionnement des crédits immobiliers de longue durée, dont il est utile de rappeler le fonctionnement. Contractés auprès des banques, ces crédits sont remboursés en payant chaque mois une mensualité de remboursement, ainsi que des intérêts à la banque, laquelle retire donc un bénéfice de cette opération. Un crédit immobilier se caractérise par 3 éléments :

  • son taux d’intérêt, appliqué chaque année au capital restant dû (plus il est élevé, plus le crédit coûte cher au total) ;
  • sa durée (plus elle est longue, plus le crédit coûte cher au total) ;
  • le montant de sa mensualité (plus elle est faible, plus le crédit coûte cher au total).

La connaissance de ces 3 éléments permet de déterminer de manière unique la somme empruntée (appelée aussi capacité d’emprunt). Le taux d’intérêt détermine la part de ce total qui restera acquise à la banque (appelé aussi « coût du crédit »). Il s'applique chaque année au capital restant dû à votre banque (soit chaque année X % du montant qu'il vous reste à rembourser). La différence entre votre total à débourser et les intérêts à payer correspond à la somme d'argent que la banque vous prête.

Mais alors, comment la capacité d'emprunt a-t-elle évolué ces dernières années en fonction des taux d'intérêt ? Prenons l'exemple d'une personne remboursant 1 000 € par mois pendant 25 ans (soit un total fixe de 300 000 € à débourser). Quand les taux d'intérêt étaient à 7 % (c'était encore le cas en 2007 !), la capacité d'emprunt dans de telles conditions était de141 000 €, quand le coût total du crédit était de 159 000 €. Or, quand les taux ont fondu à 1 % (début 2022), la capacité d'emprunt dans les mêmes conditions était de265 000 € pour un coût total du crédit de… 35 000 €.

La baisse des taux a ainsi permis d’augmenter la capacité d’emprunt de près de 90 % pour un prêt sur 25 ans (70 % pour un prêt sur 20 ans), et donc de payer, si besoin, un bien 90 % plus cher avec le même effort tous les mois… On comprend à quel point tout cela a considérablement porté le marché immobilier à la hausse, au plus grand bénéfice des vendeurs, qui ne sont même pas taxés sur la plus-value monstrueuse réalisée en cas de revente de leur résidence principale. Ces vendeurs étaient généralement de la génération des baby-boomers, et avaient souvent acheté leur bien pour pas cher dans les années 1970. Une partie du remboursement de leur crédit avait été réalisée grâce à l’inflation et à l’indexation des salaires – à tous les coups ils gagnent !

On peut représenter graphiquement les capacités d’emprunt et le coût d’un crédit de 1 000 € de mensualité suivant son taux d’intérêt et sa durée.

On observe ainsi que la baisse des taux (en allant de la droite vers la gauche du graphique, pour une durée d’emprunt donnée) augmente considérablement la capacité d’emprunt, car elle diminue le montant d’intérêt à payer. Ainsi, pour un même effort mensuel, il y a moins d’argent à donner au banquier et donc plus de disponible pour le vendeur. Et, hélas, dans ce genre de situation, l’expérience montre que les prix montent et que le pouvoir d’achat généré est redistribué au vendeur. La baisse historique des taux d’intérêt n’a donc pas profité aux acheteurs, en leur donnant du pouvoir d’achat à utiliser pour d’autres achats, mais a simplement été très inflationniste, et a entretenu la bulle immobilière l’empêchant même de se dégonfler progressivement.

Pour l’ensemble de la population, les prix des logements en France, analysés en pourcentage du revenu des ménages, ont augmenté de manière spectaculaire, avec une hausse de 70 % entre la fin des années 1990 et 2008. Ensuite, les prix se sont globalement stabilisés durant une décennie, avant d’augmenter de nouveau, s’établissant à leur plus haut niveau historique. Les prix des logements en fonction du revenu des ménages ont augmenté de 8 points en 2020, de 7 points en 2021 et de 5 points encore durant la seule première moitié de l’année 2022 !

On le voit, avec la hausse des taux, qui restent cependant à un niveau « historiquement normal », la situation est en train de s’inverser.

Nous vous renvoyons vers notre récente analyse du marché immobilier pour tout comprendre à ce qui se passe – et à ce qui devrait se passer en 2024.

De la drogue financière gratuite pour l’État

Terminons par un autre effet pervers de la politique de taux réels négatifs : celle-ci a entraîné une baisse du taux auquel s'endettait l’État français... jusqu'à l'amener lui aussi en territoire négatif. C’est pour cette raison que le taux de rendement de l’assurance vie n’a pas cessé de baisser.

Cela a poussé nos irresponsables dirigeants à contracter des déficits de plus en plus élevés, et donc à endetter toujours plus l’État français.

Dès lors, la dette publique a atteint des niveaux historiquement hauts, de plus de 100 000 € par ménage français !

Comme cette dette n’est jamais remboursée et qu'elle « roule » en permanence (on rembourse certains prêteurs en empruntant de l’argent à d’autres préteurs), sa charge d’intérêts ne va pas cesser d’augmenter au fil des ans, vu que les taux ont fortement augmenté et que des taux à 0 % ne reviendront certainement jamais. Cet argent magique a finalement joué le rôle d’une drogue financière gratuite, accoutumant les États avant d’en augmenter brutalement le prix, sachant que le sevrage est pratiquement impossible. Les États-Unis ont déjà anticipé une explosion des intérêts annuels à reverser aux plus riches, comme nous l’avons vu dans cet article.

Enfin, cerise sur le gâteau, les taux sont de plus en plus divergents entre les États de la zone euro ; les marchés ont donc de moins en moins confiance en sa pérennité. C’est ainsi que les problèmes de la Grèce ont commencé en 2012. Au vu des risques pesant sur l’euro, nous continuerons à suivre de près ces courbes dans les prochains mois.

Ce qu’il faut retenir

Véritables « prix du temps », les taux d’intérêt sont au centre du fonctionnement de nos économies. Après avoir fortement augmenté dans les années 1970 et 1980, les taux sont progressivement revenus à des niveaux normaux entre 1990 et 2008. La crise a alors bouleversé la donne, et face au risque d’écroulement d’un système financier laissé hors de contrôle, les banques centrales se sont acharnées pour sauver ce patient gravement malade, allant jusqu’à faire passer les taux en territoire négatif dès 2012.

Bien loin de booster l’économie, ces politiques « non conventionnelles » ont boosté le prix des actifs, et donc le patrimoine financier des plus riches. Effet de bord, elles ont aussi fait exploser le prix de l’immobilier, enrichissant cette fois de façon démesurée toute une génération de baby-boomers au détriment des plus jeunes.

Autre effet de bord, la baisse des taux a poussé au surendettement public, dont l’effet va se faire sentir de plus en plus lourdement dans les années à venir, avec de gros risques sur les services publics, et à terme, sur le financement même de l’État.