Aux quatre coins de la France, des tracteurs ont bloqué les autoroutes, des éleveurs ont déversé du lisier devant les supermarchés, des pneus ont brûlé sur le parvis des mairies, préfectures et permanences d’élus ont été prises pour cibles… Les signes annonciateurs de cette colère paysanne s’étaient pourtant multipliés au cours des dernières semaines.
Lors de son monologue télévisé de deux heures, le 16 janvier dernier, Emmanuel Macron n’a pas consacré plus de cinq secondes au sort des agriculteurs. Une clairvoyance dont lui seul a le secret : deux jours plus tard éclatait l’une des plus importantes révoltes agricoles des dernières décennies. Depuis novembre 2023, des agriculteurs retournaient les panneaux de signalisation plantés à l’entrée des communes, un clin d’œil dramatique à une profession réduite à « marcher sur la tête ». Le 10 janvier, dans un communiqué, six centrales syndicales européennes décrivaient même une situation devenue « insoutenable », pouvant « compromettre la survie des producteurs de l’Union européenne ».
Voilà bien quarante ans que les agriculteurs du Vieux Continent se trouvent sur la corde raide, endettés, pressurés par la grande distribution et les géants de l’alimentaire, frappés par les sécheresses et les inondations à répétition, obligés de s’aligner sur la concurrence étrangère et ses produits bon marché, dépendants d’un système de subventions qui favorise les grands exploitants malgré de timides et lents efforts en faveur de l’agriculture biologique et des fermes implantées sur des territoires qualifiés de « handicaps naturels ».
Depuis la guerre en Ukraine, le tableau s’est encore obscurci. Avec l’abolition des droits de douane et la création de « corridors de solidarité » décidées par Bruxelles, les denrées agricoles ukrainiennes ont inondé l’Europe orientale, entraînant une chute des prix qui touche désormais l’ensemble du continent et affecte les revenus des agriculteurs, dont les diverses factures (énergie, eau, matériel, semences…) explosent. Des recettes en berne, des coûts de production en hausse, le tout dans un secteur sous pression permanente, occupé par des hommes et des femmes réduits dans les faits en esclavage – qui peut s’étonner que l’étincelle ait enflammé l’Europe entière ?
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
7 commentaires
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner