Environnement : sous Macron, la France en recul écologique

Alors que le nouveau rapport du GIEC établit des conclusions toujours plus alarmantes quant aux conséquences d'une crise climatique désormais irréversible (stress hydrique, migrations, extinction de masse, etc...), les questions environnementales et écologiques restent tragiquement absentes des débats qui entourent la campagne présidentielle.

Graphe Environnement
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publié le 17/03/2022 Par Élucid
Environnement : sous Macron, la France en recul écologique
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En France, si des initiatives telles que le mouvement climat ont permis l'émergence d'une nouvelle conscience collective sur les enjeux climatiques (et ce malgré des décennies de désinformation orchestrée par l'industrie fossile), force est de constater le mauvais bilan d'Emmanuel Macron en la matière, ainsi que l'absence de véritables plans de transition énergétique dans les programmes de la plupart des candidats à la présidence.

Pourtant, ces modèles de décarbonation de l'économie existent bien (Shift Project, Scénario négaWatt) et nous montrent - malgré certaines divergences - que la France n'est pas à la hauteur des enjeux.

Décarbonation : la France dans une bonne dynamique ?

Depuis les années 1970 et les chocs pétroliers, la France a mené des politiques qui ont permis une baisse importante de ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous sommes ainsi passés de 700 millions de tonnes équivalent carbone émis en 1979 à 450 millions de tonnes en 2018. Aujourd’hui, les Français héritent donc de choix politiques radicaux issus d'une période de crise. Cependant, des décisions politiques plus récentes viennent relativiser ces résultats en matière climatique.

La décision politique majeure, prise dans les années 1970, fut le développement d’un important programme nucléaire civil, en vue de remplacer le pétrole dans la production d’électricité. Cette décision avait pour but de diminuer la dépendance de la France au pétrole.

Bien que le nucléaire pose de sérieux questionnements (gestion des déchets, risques d’accident, dépendance aux importations d’uranium…), il a permis de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES), le nucléaire étant une énergie décarbonée.

En conséquence de quoi, la France est classée parmi les pays européens émettant le moins de CO2 par habitant ; environ 4,6 tonnes de CO2 par habitant en France en 2018 contre 8,6 tonnes en Allemagne. Aujourd'hui, le choix de cette technologie (avec les défauts et risques qu'elle comporte) fait débat au sein de la société française, et il faudra que la France tranche rapidement au moment où ses centrales arrivent en fin de vie.

Récemment, une baisse des émissions en trompe-l’œil

Une seconde diminution des émissions de GES a eu lieu en France à partir des années 2000. Celle-ci n'a rien à voir avec une politique de transition énergétique, mais s'explique par le processus de mondialisation des échanges qui, pour la France, s'est accompagné d'une forte hausse des délocalisations industrielles vers les pays émergents, en particulier la Chine. Cependant, cette délocalisation de nos émissions carbone a, en retour, entraîné une forte hausse de nos importations de produits manufacturés en provenance de ces pays.

Si l'on réintègre dans le bilan français les émissions de GES qui ont été émises pour fabriquer et transporter les productions délocalisées jusqu’en France, alors le bilan carbone de notre pays présente un visage beaucoup moins ravissant. En effet, la forte baisse des émissions de GES constatées depuis 2000 se retrouve totalement annulée par ces émissions carbone indirectes liées à nos importations.

Au niveau mondial, la France est un des principaux « importateurs de CO2 » avec 100 millions de tonnes de CO2 en 2018 derrière le Royaume-Uni, le Japon et les États-Unis. Ces importations représentent près de 40 % du volume de CO2 émis sur le territoire français (pour les besoins locaux ou les exportations), un des taux les plus élevés parmi les pays industrialisés.

Le quinquennat Macron : récit d’un recul écologique

Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, la politique de relance de l’activité économique et du pouvoir d’achat des classes supérieures semble s’être faite au détriment des mesures de protection de l’environnement et du climat. En effet, la France qui était classée comme pays le plus vertueux en matière écologique en 2017 par le Climate Change Performance Index est tombée à la... 17e place en 2021.

Ce recul s’explique par le manque d’ambition de la France en matière de développement des énergies renouvelables. La France est ainsi le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables fixés par une directive européenne de 2009 (les pays avec peu de renouvelables en 2005 ont des objectifs plus faibles que la France, afin de rendre leurs efforts d’installation réalisables).

D'autre part, la France a importé des quantités record de gaz naturel, utilisé pour le chauffage domestique mais aussi pour la génération d'électricité. Or, ces hausses d'importations de gaz sont souvent présentées comme devant compenser l’intermittence de production du solaire et de l’éolien. Mais comme la France est à la traîne sur les renouvelables, notre pays est donc perdant sur les deux tableaux : des importations de gaz record et un faible développement des énergies renouvelables.

La France est le pays européen qui importe le plus de gaz de schiste américain, un gaz particulièrement polluant à produire, qui équivaudrait en termes d’émission de GES à une utilisation du charbon selon une étude de 2014.

Sous Emmanuel Macron, la France s’est également maintenue en bonne position dans le classement des pays qui subventionnent le plus les énergies fossiles. Selon une étude de la Cour des Comptes européenne, la France consacrerait 0,25 % de son PIB en subventions nettes aux énergies fossiles, soit plus de 6 milliards d’euros par an, au détriment des énergies renouvelables.

Un renoncement politique à des mesures efficaces

Un des principaux échecs du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière d'écologie est son renoncement à la mise en place d’une fiscalité écologique. En effet, la fiscalité écologique est l’instrument de politique publique le plus efficace pour réduire les émissions de carbone.

La Suède est le pays qui a le plus tôt mis en place une taxe carbone. Dès 1991, ce pays a introduit une taxe sur l’utilisation des combustibles fossiles (dont les carburants automobiles) au prix de 24 euros la tonne de CO2 émise. Cette taxe a progressé au cours du temps pour atteindre 116 euros par tonne en 2020. L’augmentation du coût des énergies carbonées a conduit à davantage de sobriété énergétique en Suède, avec une baisse d’un tiers des émissions de CO2 depuis 1991.

Cette taxe carbone avait été mise en place en bonne intelligence avec la population, des baisses d’impôts sur le revenu ayant été décidées en parallèle. Ainsi, ce nouvel impôt a eu un coût neutre pour la plupart des Suédois, qui ont eu le temps de modifier leurs pratiques de consommation au fur et à mesure de l’augmentation de la taxe carbone.

En France, Emmanuel Macron a introduit la taxe carbone sans procéder à une réforme fiscale d’ampleur dans un contexte où les aides sociales avaient été réduites, et où le pouvoir d’achat des classes moyennes était sous pression. Malgré le mouvement des Gilets jaunes en 2018, Emmanuel Macron aurait pu maintenir la taxe carbone au prix d’une réforme fiscale d’ampleur, permettant de lutter contre les inégalités de revenu et de répondre ainsi aux revendications sociales.

Cependant, pour ne pas perdre sa base électorale, Emmanuel Macron a préféré renoncer à la mise en place d’un outil écologique efficace plutôt que de renoncer à ses cadeaux fiscaux aux plus aisés (suppression de l’ISF, flat tax sur les revenus du capital, etc…).

Une France pas à la hauteur des enjeux climatiques

La décarbonation de notre économie est un objectif vital pour notre pays. Outre la dépendance géopolitique que crée l’utilisation des combustibles fossiles, c’est leur action sur la modification du climat qui est la plus préoccupante. Selon les travaux du GIEC, il est primordial de limiter à +2°C le réchauffement climatique d’ici à 2100 sous peine d’entraîner des modifications radicales et incontrôlées de notre environnement.

Avec la hausse des températures, les phénomènes extrêmes pourraient être multipliés (tempêtes, sécheresse, intensité des pluies…) et des zones entières pourraient devenir inhabitables forçant les habitants à se déplacer vers des territoires plus cléments.

Chaque pays signataire de l’accord de Paris en 2016 s’est donc engagé sur une trajectoire de décarbonation pour éviter tout dépassement de cette limite des +2°C. Malheureusement, la réalité est que la France n’a jamais réussi à atteindre cette trajectoire. Pire, sous Emmanuel Macron, la différence entre la trajectoire souhaitée (en gris, ci-dessous) et la trajectoire réelle des émissions de GES (en bleue) s’est accentuée significativement.

Si en France, les émissions carbone par habitant figurent parmi les plus faibles de l’Union européenne, ce tableau masque le fait qu'une grande partie de nos émissions ont été "délocalisées", et qu'elles se payent de manière indirecte à travers la hausse de nos importations de biens, notamment en provenance de Chine.

Sous le quinquennat Macron, le bilan écologique de la France s’est notablement dégradé, le président ayant préféré ses intérêts électoralistes de court terme plutôt que les enjeux climatiques de long terme. En s’éloignant d'une trajectoire politique compatible avec un réchauffement climatique limité à +2°C d’ici 2100, la France ne prend pas sa part dans la lutte contre une menace globale pour notre espèce.

Dans son dernier rapport, le GIEC alerte sur les conséquences dramatiques d’un réchauffement climatique non maîtrisé, aussi bien en termes économiques qu'en termes de vies humaines. Pourtant, les enjeux climatiques restent quasi-absents des débats qui entourent la campagne présidentielle, et rares sont les candidats qui se montrent à la hauteur des enjeux, à savoir préparer concrètement une société sobre en émissions carbone.

Photo d'ouverture : Marche pour le Climat, Marseille, 20 septembre 2019 - Gérard Bottino - @Shutterstock

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