L’apologie du prométhéisme, un imaginaire d’illimitation – Seul sur Mars, Ridley Scott

Le roman d’Andy Weir, The Martian – d’abord disponible gratuitement sur le site de l’auteur, puis sur Kindle et enfin en version papier – est devenu un best-seller en un temps record alors même que son auteur était inconnu. Notre hypothèse est qu’une telle histoire a généré cet engouement parce qu’elle travaille, avec un brio certain, des thèmes et une vision de l’être humain qui sont au cœur de l’imaginaire occidental – ceux-là mêmes qui avaient déjà fait le succès de Robinson Crusoé, 300 ans plus tôt. Robinson Crusoé a longtemps eu le statut de « livre le plus lu après la bible »...

Par le biais d’une intrigue extrêmement bien construite pour toucher le spectateur, le film de Ridley Scott transmet de manière discrète une vision positiviste de la science, qui considère que celle-ci ne connaît pas de limites et permet littéralement de « tout résoudre ». Ce faisant, et peut-être sans vraiment en avoir conscience, les auteurs (Weir, puis le scénariste, puis Scott lui-même) affirment que rien n’est impossible à l’esprit humain, que les conquêtes et colonisations font partie de la « nature humaine », et confortent ce faisant une vision de l’humanité que François Flahault qualifie de « prométhéenne » (cf. notre entretien sur Élucid).

Avant d’entrer dans le détail de l’analyse, il n’est pas inutile de rappeler à quelle tradition esthétique se rattache The Martian, car cela s’avère décisif pour comprendre les mécanismes d’adhésion du spectateur aux valeurs et à l’imaginaire véhiculés par le film.