Étrangère à la France, la tradition de la philanthropie des grandes fortunes s’est imposée au détriment de la solidarité publique. Dans son livre Quand la charité se fout de l’hôpital (Rue de l’Échiquier, 2021), paru dans la collection Les Incisives qu’il dirige, le journaliste Vincent Edin détaille les coûts cachés des dons des grandes entreprises et des particuliers, et plaide pour un renouveau de la solidarité publique, qui a le double avantage d’être universelle et pérenne.
Laurent Ottavi (Élucid) : Pour quelles raisons jugez-vous que Bernard Arnault représente « l’indécence des philanthropes jusqu’à l’abjection » ?
Vincent Edin : En français trivial, on dit qu’on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière ! C’est ce qu’il veut. Il s’enrichit en fraudant, ce que ces équipes appellent de « l’optimisation fiscale », mais Attac nous rappelle que 27 % des filiales de LVMH sont basées au Luxembourg. Son yacht à 130 millions d’euros mouille aux îles Caïmans où il ne paie pas d’impôts, alors qu’il passe son temps sur les eaux françaises au large de la mer Méditerranée. Bernard Arnault a fraudé 530 millions d’euros pour sa fondation Louis Vuitton construite par Franck Ghery, comme le déclare la Cour des comptes. Il bénéficiait, de base, d’une commission de mécénat à 100 millions d’euros et le projet a finalement coûté 800 millions. Malgré cette explosion du prix, l’État a continué à prendre en charge la défiscalisation.
L’une des premières fortunes du monde (la première en 2022) se fait un plaisir personnel en créant son musée ; il recourt aux services de l’architecte le plus cher du monde pour un projet qui s’avère coûter 8 fois plus cher et l’État prend en charge les deux tiers. Et malgré cela, il veut rester dans l’Histoire comme un homme généreux. Quand il donne 10 millions aux Restos du Cœur, une peccadille pour lui, des ministres viennent lui dire un grand merci. J’en veux davantage à ces hommes politiques qu’à Bernard Arnault qui, loin d’être un simple « entrepreneur », est un oligarque comme les autres, c’est-à-dire un homme qui se sert de son influence politique pour s’enrichir.
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