Quels sont les mécanismes fondamentaux de la matière et des rayonnements énergétiques ? Dans ce premier article d’une nouvelle série réalisée pour le grand public, Élucid vous propose de mieux comprendre la façon dont est constituée la matière, afin de mieux appréhender les mécanismes fondamentaux du climat ou de l’énergie.

Graphe Environnement
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publié le 22/04/2022 Par Olivier Berruyer
Atomes : au cœur de la matière

1 - Atomes : au cœur de la matière
2 - Les forces nucléaires à l'origine des éléments chimiques
3 - Stabilité et instabilité : Fusion, Fission et Radioactivité
4 - Fabriquer un élément : les alchimistes modernes

Tout élément dans notre univers, qu’il soit sous forme solide, liquide ou gazeuse est constitué d’atomes, qui sont eux-mêmes constitués de trois particules plus petites encore : les protons, les neutrons et les électrons. Les atomes peuvent se combiner entre eux via des liaisons chimiques pour former des molécules (exemple de la molécule d’eau : H2O, qui est constituées de deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène). La matière est ainsi composée d’un ensemble d’atomes, ou de molécules, dont les liaisons les unes avec les autres dépendent de l’état dans laquelle se situe la matière (solide, liquide ou gazeux).

I. L’atome

Les atomes sont entre cent mille et un million de fois plus petits que le diamètre d’un cheveu (il font de l’ordre de 10-10m) et constituent les briques élémentaires qui permettent de différencier un élément chimique d’un autre. Un atome est composé d’un noyau, situé en son centre et d’un nuage d’électrons.

Le noyau d'un atome est constitué de protons et de neutrons qui représentent 99,9% de sa masse et lui donnent une charge positive. Les électrons, particules chargées négativement et beaucoup plus petites et légères que le noyau, gravitent autour de ce dernier via la force d’attraction électrostatique. Entre ces deux constituants de l'atome (noyau et électron), on ne trouve que du vide. Avec la petite taille du noyau et l'espace conséquent entre les électrons, un atome est donc majoritairement constitué de vide.

Exemple concret : si on "tassait" fortement la matière afin d'en supprimer le vide, les près de 8 milliards d'habitants de la Planète (de 0,07 m3 chacun) tiendraient dans un dé à coudre (de 1 cm3).

La totalité des électrons ne représentent qu’une très faible fraction de la masse totale d’un atome (environ un millième). Ils circulent donc sous la forme d’un nuage électronique, sans aucune régularité sur des couches empilées, à une distance considérable d’environ 10 000 à 100 000 fois la taille du noyau.

Exemple concret : si le noyau était une boule de pétanque posée au centre de Paris, l’électron aurait la taille d’un virus et graviterait sur le périphérique, à une dizaine de kilomètres. Puisque les électrons ne représentent qu’une infime fraction de la masse d’un atome, nous raisonnerons par la suite uniquement du point de vue du noyau atomique, c’est à dire en termes de protons et de neutrons.

Les atomes peuvent être soit stables, perdurant sans changement, ou instables. Ces derniers sont radioactifs, car ils disparaissent en se transmutant en atomes plus stables et en émettant un rayonnement (avec émission d'énergie et/ou de particules). Certains éléments disparaissent en une fraction de seconde, d’autres au bout d’au moins plusieurs centaines de millions d’années (on qualifie cette catégorie d’atomes de quasi-stables).

À ce jour, on a observé ou créé plus de 3 500 atomes différents. 286 sont dits primordiaux, car présents depuis la formation de la Terre, mais seuls 252 sont stables (et 34 quasi-stables).

II. Le noyau atomique

Le noyau est constitué de deux types de particules appelées nucléons : le proton, chargé positivement, et le neutron, sans charge électrique. Ils ont un rayon d’environ 0,8 femtomètre (fm, 10-15 m). Les nucléons représentent quasiment l’intégralité de la masse de l’atome ; ils sont de masse quasiment égale, le neutron étant à peine 1 ‰ (un millième) plus lourd que le proton.

Bien que représentés classiquement comme des « boules », ces nucléons sont cependant eux-mêmes constitués de trois autres particules, appelées quarks (dits « de valence »), reliées par des gluons, qui sont les particules responsables qui « collent » les quarks entre eux. C’est ce qu’on appelle communément l’interaction forte.

Un proton de charge élémentaire e comprend deux quarks de type « u » (de charge +2/3 e) et un de type « d » (de charge -1/3 e), et un neutron de charge nulle comprend deux quarks de type « d » et un de type « u ».

Selon la théorie actuelle, ces trois quarks de valence baignent en fait dans une « mer » de nombreuses particules virtuelles, telles que des gluons ainsi que des paires quark-antiquark qui apparaissent et disparaissent en permanence, et qui proviennent de la désintégration des gluons.

La masse de repos des trois quarks de valence représente seulement 1 % de la masse d’un nucléon. L’énergie cinétique des quarks et surtout l’énergie de liaison des gluons constituent environ 99 % de la masse d’un nucléon, et donc de toute la matière.

Comme, sous certaines conditions, un quark « u » peut se transformer en « d », et vice-versa, il est donc possible pour un proton de se transformer en neutron, et vice-versa : c’est le principe de radioactivité bêta.

III. Les éléments chimiques

Un élément chimique (le fer, l’or, le cuivre…) se définit par le nombre de protons dans son noyau atomique, qu’on appelle le numéro atomique (Z – venant du mot allemand Zahl, « nombre »), qui caractérise l’identité chimique du noyau. Par exemple, tous les atomes comportant deux protons sont de l’hélium, et tous ceux en comportant six sont du carbone.

On note également le nombre de neutrons par N et on appelle nombre de masse (A - venant du mot allemand Atomgewicht, « poids atomique ») le nombre total de nucléons (protons + neutrons). Comme un atome est neutre, le nombre d’électrons est égal au nombre de protons, Z.

On représente généralement un élément M ainsi :  AM  voire A
Z
M ou A
Z
MN. Par exemple, l’isotope le plus abondant dans le fer naturel (91,754 %) est le fer-56, qui est constitué d’un assemblage de 26 protons et 30 neutrons. Il peut s'écrire 56
26
Fe30 ou plus simplement 56Fe.

On a observé à ce jour 118 éléments chimiques, dont 94 présents naturellement sur Terre.

IV. Le tableau périodique des éléments

En 1869, le chimiste russe Dmitri Mendeleïev note que, quand on classe les éléments en fonction de leur masse, certaines propriétés reviennent périodiquement. Il a alors classé empiriquement tous les éléments connus à son époque, par ordre de numéro atomique croissant, à l’intérieur d’un tableau composé de dix-huit colonnes (ou groupes ou familles) et de sept lignes (ou périodes), tous les éléments d’une même colonne ayant les mêmes propriétés. La classification périodique des éléments était née.

Le tableau original publié par Mendeleïev d’après ses travaux de 1869, avec la place des éléments non encore découverts à l’époque. Version française.

La version actuelle a été complétée et modernisée :

Mendeleïev fit alors des prédictions exactes quant aux éléments restant à découvrir, ce qui est remarquable, car, à son époque, on ne connaissait rien de la structure de l’atome et de ses constituants. On découvrira plus tard que l’agencement des électrons explique ce caractère cyclique.

On utilise aussi cette présentation pour représenter la taille des atomes :

Un élément M peut avoir plusieurs isotopes, c’est-à-dire qu’il peut exister plusieurs atomes avec le même nombre de protons Z mais avec un nombre de neutrons différents (et donc un nombre de nucléons A différent).

V. Les isotopes

Il est cependant apparu qu’un même élément de numéro atomique Z peut exister sous la forme d’atomes comprenant différents nombres de neutrons, et donc différents nombres de masse : on les appelle les « isotopes » de l’élément, qui ont les mêmes caractéristiques chimiques, mais pas forcément les mêmes caractéristiques physiques (leur masse étant donc, par exemple, différente). Cette différence de masse peut être utilisée par l’Homme par exemple dans les processus d’enrichissement de l’uranium naturel en uranium-235.

Certains isotopes d’un élément sont stables et donc très largement majoritaires dans la nature (comme le carbone commun 12
6
C dit aussi carbone 12), d’autres non (comme le fameux carbone 14 14
6
C dont la vitesse de disparition permet de dater la matière organique).

Notons pour conclure, que, tout comme on parle d’isotope pour toutes les « versions » du même élément, les atomes ayant tous le même numéro atomique Z, on parle d’isobares pour tous les atomes partageant le même nombre de nucléons A (et donc la même masse) et d’isotones pour ceux ayant le même nombre N de neutrons.

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Photo d'ouverture : Marko Aliaksandr - @Shutterstock