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La France voit refluer l’inflation mais le retour à la normale semble encore lointain. Et malgré les revendications d'une indexation des salaires sur l'inflation, les revenus de beaucoup de travailleurs n'ont pas suivi cette évolution des prix. La santé économique des Français s'est donc dégradée, avec des répercussions sur notre économie qui n’a connu qu’une croissance famélique de +0,2 % au 1er trimestre 2024. De plus, notre gouvernement a convenu avec Bruxelles de diminuer son soutien à l'économie cette année – les 10 milliards d’économies annoncées par Bruno Le Maire ne sont qu’un début, 10 autres milliards de coupes se profilent déjà comme vient de le confirmer Standard & Poor’s. La situation devrait donc continuer à se détériorer dans les prochains mois, dans un contexte de crises internationales compliquées, entraînant un climat social pour le moins chaotique. Qu'avons-nous à craindre pour notre pouvoir d'achat et nos emplois ? On vous explique tout.

1- Une quasi-stagnation
2- Le PIB par habitant proche du niveau de 2019
3- Le secteur public et le commerce extérieur sauvent la croissance
4- Décroissance de la construction et de la consommation
5- Les dividendes ont terminé leur forte croissance
6- Le pouvoir d'achat en berne
Ce qu'il faut retenir
Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.
Rappelons tout d’abord que le fameux PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la production économique, c’est-à-dire la valeur de tous les biens et services produits. Souvent décrié – et pour de très bonnes raisons – pour son utilisation en tant que principal indicateur économique, le PIB offre cependant une bonne vision de la production économique de la France, et donc de l’évolution corrélative de nos revenus et de notre pouvoir d’achat.
Une quasi-stagnation de la croissance
L’atonie du PIB français continue : après +0,1 % et + 0,3 % aux 3e et 4e trimestres 2023, le PIB est annoncé en hausse de +0,2 % au premier trimestre 2024.


Rappelons également que ces chiffres sont calculés avec le controversé indice des prix de l’Insee, mais que celui d’Eurostat, à la méthode de calcul harmonisée en Europe, lui est quasiment toujours supérieur. L’écart entre ces deux indices a atteint 1 point de pourcentage au début de 2023, et il est toujours de 0,5 point actuellement (à comparer au petit +0,2 point de croissance du trimestre).


De façon générale, les calculs de ces deux instituts publics de statistique ont fortement divergé en 2022. Au final, l’écart entre leur évaluation de l’inflation depuis 2015 atteint 2,7 %, pour une croissance totale durant cette période de +9,4 %. Il y a donc une incertitude sur au moins le quart de la valeur de la croissance de ces 8 dernières années, ce qui est colossal.
Si on utilisait le chiffre d’Eurostat, la décroissance actuelle serait manifeste. En effet, « la croissance du PIB » correspond à son augmentation sous déduction du montant de l’inflation. Le calcul de ce dernier a donc une grande importance pour la communication du gouvernement. Au final, selon l’Insee, après le choc de la crise Covid, la croissance sur un an semble donc se stabiliser un peu au-dessus des +1 %.


Il y a donc clairement « une panne » du PIB français, qui semble « caler » à un niveau moindre que son niveau de 2017-2019. Si une faible croissance ou une décroissance est évidemment une bonne nouvelle pour la Planète, cela pose d’importants problèmes économiques et sociaux (chômage, pouvoir d’achat, pauvreté), puisque les gouvernements s’obstinent à ne pas adapter l’économie aux objectifs environnementaux (qui est en outre une réalité inévitable à terme pour des raisons physiques), pour créer un système qui permettrait une prospérité sans croissance.
La croissance totale pour l’année 2023, par rapport à 2022, s’établit au final à +0,9 %, contre +2,5 % en 2022.


Cependant, cette croissance clôture simplement le rebond post-Covid. La perte de production (et donc de pouvoir d'achat) par rapport à la tendance 2016-2019 est très importante.


Le PIB par habitant en 2023 dépasse à peine son niveau de 2019
Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %, car la croissance est trop faible.
C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant dépasse à peine son niveau d’avant crise du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique : il y a eu 5 ans sans croissance, avec les conséquences qu’on connaît sur le pouvoir d’achat et la dette publique.


Sans surprise, puisque notre pays connaît toujours une croissance démographique, la croissance sur un an du PIB par habitant est nettement plus faible que celle du PIB, et s’établit à peine à +0,4 %.


On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue : le PIB devrait être supérieur de 25 points environ. Cela confirme bien que, compte tenu de notre niveau de développement, il est illusoire de penser maintenir une croissance élevée sur une longue période.


Pour mémoire, sur toute l’année 2023, le PIB par habitant a crû de +0,5 % (contre +2,2 % en 2022), soit 0,4 point de moins que le PIB. Rappelons bien qu’une partie de cette croissance est probablement « fictive », simplement due à une sous-estimation de l’inflation.


Une croissance sauvée par le secteur public et le commerce extérieur
L’analyse des contributions à la croissance du PIB (c’est-à-dire au montant de croissance totale que chaque poste a généré) permet de constater que la demande intérieure (hors stocks) est atone au 1er trimestre 2024 : elle n’a alimenté la croissance qu’à hauteur de +0,2 point de pourcentage. C’est une mauvaise nouvelle qui montre bien que l’économie est presque en panne ; la demande n’a augmenté que de +0,9 % durant toute l’année 2023.
Le PIB a aussi été plombé de -0,2 point par une baisse des stocks, intervenant après le -0,7 du trimestre précédent : les entreprises hésitent donc à les reconstituer. Elles vont cependant bien être obligées de le faire dans les prochains trimestres, car ils sont à des niveaux très faibles (les précédents remontent à la crise du Covid et à la crise de 2008).
Le commerce extérieur a une nouvelle fois soutenu la croissance, pour +0,2 point, ce qui a donc compensé la baisse des stocks.


Intéressons-nous à l’évolution trimestrielle des principales composantes du PIB (c’est-à-dire de combien elles ont progressé chacune, ce qui est différent de la contribution à la croissance totale précédemment évoquée).
Au niveau des hausses remarquables, on trouve la consommation et l’investissement public, avec une nette croissance de 0,6 % - mais la forte baisse des dépenses annoncée par le gouvernement va avoir un effet négatif sur ce poste. On note aussi la très forte croissance des exportations (+1,2 % après +1,0 %), portées par le rebond des exportations de produits agricoles, de matériels de transport et des « autres produits manufacturés ». Les importations rebondissent ce trimestre (+0,4 % après -1,7 %), soutenues par les importations de pétrole raffiné et de matériels de transport.
Avec +0,1 % (près +0,2 %), la consommation des ménages est presque stable, ce qui est de mauvais augure. Elle a été plombée par une chute des dépenses en matériels de transport (-3,4 %), notamment de voitures neuves.


Au niveau des baisses remarquables, on trouve l’investissement des entreprises (-0,5 % après -1,1 %, les entreprises n’ont pas confiance en l’avenir, comme on l’a vu dans notre article sur la conjoncture économique en France) et celui des ménages (-1,4 % après -2,0 %), ce dernier correspondant principalement à la construction immobilière qui est sinistrée.


Au final, 2024 ne s’ouvre donc pas sur les meilleurs auspices économiques.
Décroissance de la construction et de la consommation
Analysons plus en détail ces chiffres et leur évolution. Au niveau de la production, le trimestre précédent a été marqué par :
- une très forte baisse de la production de biens, ce qui est cohérent avec la consommation déprimée depuis un an ;
- une très forte baisse de la construction immobilière, qui va mal depuis plus d’un an en raison de la crise immobilière qui se développe. C’est une autre conséquence de l’inflation, comme on l’a vu dans notre analyse du marché immobilier ;
- et un maintien de la croissance des services.


La faible croissance observée de la consommation (tirée par le secteur public) est principalement due à la forte hausse de la consommation d’énergie et à la hausse modérée des services. On observe également une nouvelle baisse du volume des achats alimentaires des ménages. Après sa lourde baisse, la consommation alimentaire est restée stable : les ménages se privent toujours de nourriture après deux ans de crise alimentaire en raison de la forte hausse des prix.
Au niveau de l’investissement enfin, deux des principaux postes ont été en décroissance : les biens et la construction qui s’enfonce dans la crise. Seul l’investissement des services a nettement rebondi.
En résumé, la demande intérieure hors stocks (c’est-à-dire la consommation plus l’investissement) a donc eu une contribution positive de +0,2 point de croissance, essentiellement à cause du secteur public. La variation des stocks a également plombé la croissance à hauteur de -0,2 point de PIB (déstockage), ce qui signifie que les entreprises ont préféré diminuer leurs stocks pour répondre à la demande plutôt que produire plus. Enfin, le commerce extérieur a eu un effet positif de +0,2 point de PIB en raison de la nette croissance des exportations.
+0,2 point de demande intérieure, -0,2 point de variation de stocks, +0,2 point d’effet du commerce extérieur : voici l’explication de la croissance de +0,2 point durant le 1er trimestre 2024.


La réalité française, c'est que les ménages ont de gros problèmes financiers, au moins pour une grande partie d’entre eux. Leur situation n’est pas très bonne depuis plus d’un an, comme le montrent les chiffres de leur consommation. On peut donc être inquiet pour les prochains trimestres. Les indicateurs avancés de conjoncture économique laissent malheureusement craindre le pire pour les prochains mois.
Les dividendes ont terminé leur forte croissance
Au niveau des ressources des ménages, le trimestre précédent a été marqué par une nette hausse de la masse salariale versée par les entreprises de +1,0 %. L’emploi est resté stable durant ce trimestre.


Les traitements des fonctionnaires ont pour leur part baissé de -1,0 %, essentiellement en raison du contrecoup du versement le trimestre précédent d’une prime destinée à compenser la forte baisse de leur pouvoir d’achat. Les revenus des entrepreneurs individuels ont fortement baissé de -1,0 % ; ce sont eux qui ont le plus perdu durant la crise inflationniste, et c’était bien un des buts de leur poussée hors du salariat. Les prestations sociales ont quant à elles augmenté de +2,5 % en lien avec la revalorisation des retraites complémentaires au 1er janvier.
Enfin, les plus fortunés ont vu leurs revenus provenant des dividendes et des intérêts perçus augmenter encore de +2,3 %. Ces fortes hausses depuis un an sont une conséquence de la hausse des profits de certaines entreprises, qui profitent de l’inflation pour sur-augmenter leurs prix.
De façon générale, les ménages ont payé plus d’impôt sur le revenu (+2,2 %) et plus de cotisations sociales (+2,1 %), ce qui tend à montrer que les hausses de revenus profitent principalement aux plus aisés.
On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages de +1,4 % et une hausse plus importante de leurs charges. Au final, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a augmenté de +1,1 % au cours du trimestre précédent. C’est une moyenne qui connaît évidemment de très importants écarts individuels.


Le pouvoir d’achat en berne
Le fait économique majeur de 2021-2023 a évidemment été le retour d’une forte inflation. Le dernier trimestre a été marqué par une inflation des prix à la consommation de +0,6 %, en augmentation. Comme les revenus ont augmenté de +1,1 %, le pouvoir d’achat par personne en France a donc augmenté de +0,5 % sur la même période.
Comme la consommation des ménages est restée stable malgré la hausse de leur pouvoir d’achat, cela signifie que les ménages ont donc plus épargné, craignant sans doute pour l’avenir. Le taux d’épargne totale des ménages atteint donc près de 18 % de leurs revenus, ce qui reste 3 points de plus que son niveau des années 2010 ; c’est autant d’argent qui n’alimente plus le moteur de la consommation.


Contrairement à l’usage courant du mot, l’épargne des ménages ne correspond pas uniquement à de l’argent « mis de côté » dans un bas de laine. C’est bien la totalité de l’argent non consommé, mais il sert principalement à de l’investissement, en l’espèce l’achat de logement via des remboursements d’emprunt. Une fois qu'on a retranché ces investissements immobiliers (qui sont donc une sorte « d’épargne forcée » non immédiatement disponible), il reste alors bien de l’argent « mis de côté », qu’on appelle l’épargne financière, et qui représente plus de 8 % des revenus, 3 points de plus que durant les années 2010.


Rappelons que 2022 a été une mauvaise année pour le pouvoir d'achat : selon l’Insee, il a baissé de -0,3 %. Grâce à la hausse du 4e trimestre, 2023 se termine avec une modeste hausse du pouvoir d’achat de +0,3 %. Au vu des écarts de situation personnelle, beaucoup de Français ont donc vu leur pouvoir d'achat réel reculer en 2023. Le modeste rebond de début 2024 n’est pas de nature à notablement changer la situation financière de beaucoup d’entre eux.


La croissance du pouvoir d’achat sur moyenne période est donc très faible, d’environ +0,5 % par an depuis 2020, tout en sachant que ce résultat médiocre (trois fois plus faible que dans les années 2000) a été atteint au prix d’un énorme endettement public, de subventions aux grandes entreprises, d’une forte baisse des taux et d’une gigantesque création monétaire par la banque centrale. Sans tout ceci, il est certain que le pouvoir d’achat aurait fortement diminué.


En réalité, la crise de 2008 a mis un brutal coup d’arrêt à la croissance de l’économie, et de nombreux expédients coûteux ont été utilisés depuis lors pour tenter de retrouver « l’économie d’avant », sans aucun succès réel. La poursuite de la cessation progressive de ces expédients en 2024 (par la baisse des déficits publics, qui poursuivront le choc entamé avec la hausse des taux survenue en 2022) va hélas probablement le démontrer.
Terminons par un mot sur les entreprises. En 2023, le taux de marge des entreprises s’est redressé, passant de 32 % à 33 %, effet des hausses de prix liées à l’inflation. La majorité de ces gains ont cependant été absorbés par le paiement d’intérêts supplémentaires suite à la hausse des taux. Au final, le taux d’épargne est resté stable, et le taux d’investissement a très légèrement reculé, à 26 %.


Ce qu’il faut retenir
Le PIB a très légèrement augmenté de +0,2 % au 1er trimestre 2024, principalement en raison du secteur public et du commerce extérieur. Sur un an, le niveau de la croissance n’est que de +1,3 %, et la croissance par habitant de +1,0 %.
Dans notre système économique actuel, la faible croissance entraîne de faibles revenus. En conséquence, le pouvoir d’achat par personne n’a augmenté que de +0,3 % en 2023, mais il a été investi dans de l’épargne supplémentaire. Par ailleurs, ces chiffres sont des moyennes nationales, les classes moyennes et défavorisées ont évidemment davantage souffert.
Le pouvoir d’achat est à la traine depuis au moins 4 ans, bien que le véritable point de départ soit la crise de 2008. Les augmentations de pouvoir d’achat survenues depuis lors doivent être mises en parallèle des soutiens hors normes réalisés depuis : déficits publics, création monétaire, baisse des taux. La fin annoncée des soutiens publics à l'économie va sans doute montrer que la crise de 2008 n’a en fait jamais été surmontée, et que ce modèle économique est à bout de souffle. En attendant, il est probable que 2024 soit une année assez difficile économiquement et socialement. Nous ferons donc de notre mieux pour vous informer sur ces sujets.
Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.
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