Promesse de campagne du Nouveau Front Populaire aux élections législatives, l’augmentation du SMIC à 1 600 euros net par mois (+15 % par rapport à juin 2024) a provoqué une large levée de boucliers. Pour l'apprenti économiste Gabriel Attal, la mesure conduirait à la « destruction d’un demi-million d’emplois », ou encore à une « catastrophe économique » pour l'endetteur en chef Bruno Le Maire. Ces deux ministres, dont la totalité de la carrière s'est déroulé sous les ors de la République, et qui émargent respectivement à 16 000 et 11 000 euros brut par mois de deniers publics, se sentent assez légitimes pour affirmer que 1 600 euros net, c’est définitivement trop. Au-delà de leur indécence, ces propos sont totalement contredits par une récente étude de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). On vous explique tout !

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publié le 12/08/2024 Par Alexandra Buste, Xavier Lalbin
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La conclusion de l'étude de l'IRES est très claire : « Globalement, d’un point de vue macroéconomique, une hausse de +15 % du salaire minimum se traduit par une légère baisse du coût moyen de la main-d’œuvre ». En ce qui concerne la menace d’une destruction de l’emploi, l’étude de David Card et Alan Krueger – pour laquelle ils ont obtenu le prix de la Banque de Suède en Sciences économiques, le « Nobel » de l’économie – est rassurante : l’augmentation du salaire minimum n’a pas ou peu d’effet sur le taux de chômage. D'autres études (anglaise et espagnole) viennent confirmer cette conclusion.

Dans un passé très récent, d’autres pays européens ont brusquement et massivement augmenté le salaire minimum (en Allemagne : +22 % entre 2022 et 2023 ; en Espagne : +22 % en 2019), le tout sans déplorer de hausse du chômage, bien au contraire. Ainsi, l’Allemagne reste en 2023 sur ses plus bas niveaux historiques de taux de chômage à 3,1 %. Quant à l’Espagne, malgré la crise du Covid et la poursuite de la hausse du salaire minimum, qui atteint aujourd’hui +50 % par rapport à fin 2018, le taux de chômage a baissé de -20 % sur la période et retrouve des niveaux jamais vus depuis la crise financière de 2008.

La France à la traîne sur le salaire minimum en Europe

Début 2023, environ 17 % des salariés en France étaient payés au SMIC, un salaire qui s’élève à un peu moins de 1 400 euros net par mois, soit environ 60 % du salaire médian du secteur privé. Dans une récente note, l'IRES explique que même si la France fait partie des pays européens où le salaire minimum est supérieur à 1 500 euros brut par mois (avec le Luxembourg, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Belgique), au premier semestre 2024, le SMIC français est cependant le plus faible de ce groupe : 13 % de moins qu’en Belgique, entre 15 % et 20 % de moins qu’avec les autres pays.

Pourtant, en 2014, les niveaux du salaire minimum étaient sensiblement les mêmes dans ce groupe de pays, mis à part au Luxembourg où ce salaire a toujours été plus élevé (merci l’évasion fiscale...). Dix ans plus tard, le décrochage du SMIC français est manifeste : la France est le seul pays de ce même groupe qui n’atteint pas le niveau du salaire minimum luxembourgeois de 2014. Par rapport à l’ensemble des pays de l’Union européenne, c’est aussi le plus faible taux de croissance annuel moyen d'un salaire minimum sur la période...

Salaire mininum mensuel brut dans l'Union européenne en 2014 et 2024Salaire mininum mensuel brut dans l'Union européenne en 2014 et 2024

L’IRES souligne par ailleurs un paradoxe du débat public français, qui consiste à dresser un parallèle entre augmentation du salaire minimum et perte de compétitivité des entreprises, alors qu’aucune institution internationale ne produit de façon régulière des indicateurs permettant une telle analyse, notamment en ce qui concerne le « coût de la main-d'œuvre » (aussi appelé salaire super brut, constitué du salaire brut et des cotisations patronales associées).

L’IRES a donc procédé à sa propre évaluation de l'ensemble des dépenses liées au salaire minimum pour une entreprise dans quelques pays au niveau de vie et de développement comparables. L'hexagone se distingue ici aussi, mais c’est par la faiblesse de ses cotisations employeur au niveau du salaire minimum. Un effet qui vient renforcer la « compétitivité » internationale des salariés au SMIC pour les entreprises installées en France.

Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, le « coût de la main-d’œuvre » pour un salarié au salaire minimum est supérieur de plus de 20 % au coût français, quand l’écart est d’environ 30 % avec la Belgique, l’Irlande ou l’Allemagne. Bien que le salaire minimum brut en Espagne soit inférieur d’environ un quart au SMIC brut français, les cotisations patronales françaises sont tellement faibles proportionnellement que le coût salarial pour l'entreprise est proche du coût d’un salarié au SMIC en France avec moins de 10 % d’écart...

Le coût du salaire minimum pour les entreprises en Europe et aux Etats-Unis en 2024Le coût du salaire minimum pour les entreprises en Europe et aux Etats-Unis en 2024

L’économiste Clément Carbonnier enfonce le clou sur le thème de l’effet d’une hausse du SMIC sur la compétitivité des entreprises à l’international :

« […] les entreprises exposées à la concurrence internationale sont peu employeuses de bas salaires. Les employeuses de bas salaires sont soit des sous-traitantes d’entreprises qui pourraient assumer le surcoût de production (qui reste limité du fait que le travail à bas salaire reste minoritaire dans l’ensemble des coûts de production), soit des entreprises de services ou de commerce qui bénéficieraient de l’effet de relance de la demande générée par la hausse de pouvoir d’achat des bas salaires. »

En ligne avec la faible augmentation du SMIC ces dix dernières années, la France se distingue de ses voisins avec un pouvoir d’achat du salaire minimum (1) qui a stagné sur la période, tandis qu’il a augmenté significativement en Espagne (+45 %), au Royaume-Uni (+17 %) ou encore en Allemagne (+10 %). Si l’amélioration spectaculaire de l’Espagne est notamment liée à un niveau de salaire minimum relativement bas en 2014 (~40 % du salaire médian en 2014 contre 62 % du salaire médian en 2022), l’Allemagne et le Royaume-Uni ne sont pas dans ce cas, avec des salaires minimums entre 50 à 60 % des salaires médians sur la période. La France est ainsi l’unique pays de l’Union européenne où le pouvoir d’achat du salaire minimum n’a pas augmenté depuis 10 ans...

Variation du pouvoir d'achat du salaire minimum en Europe entre janvier 2014 et 2024Variation du pouvoir d'achat du salaire minimum en Europe entre janvier 2014 et 2024

Le salaire minimum en France est loin du « salaire décent »

En avril 2024, Michelin annonçait la mise en place d’un salaire « décent » pour ses salariés au niveau mondial. Ce salaire est défini par l’ONG Fair Wage Network, qui a certifié Michelin du titre de « Global Living Wage Employer » début 2024. Cette certification atteste que chaque salarié du groupe reçoit une rémunération qui lui permet « de subvenir aux besoins essentiels de sa famille (alimentation, logement, transport, éducation des enfants, frais de santé…), mais également de constituer une épargne de précaution et d’acquérir des biens de consommation ». Pour Florent Menegaux, président du groupe Michelin, « le salaire décent est de deux fois le SMIC à Paris et de +20 % du SMIC à Clermont-Ferrand, au siège de Michelin ».

Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, placé auprès du Premier ministre (2), s’est également penché sur le sujet d’un salaire décent. Il s’agit pour l’organisme d'évaluer le salaire moyen à temps plein par adulte du ménage, nécessaire pour atteindre un niveau de vie minimum décent. Il est défini par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) comme « permettant d’accéder à un panier de biens et services [ndlr, le budget de référence], lequel est défini par consensus à l’issue d’une démarche participative associant des groupes de citoyens avec des éclairages d’experts ». Selon la configuration familiale, le salaire décent est estimé entre 1,2 et 2,8 fois le SMIC.

Pour l’organisme, en moyenne, le seuil de vie décente en France avoisine 84 % du niveau de vie médian par unité de consommation des ménages (3). Un niveau que le SMIC actuel, à 45 % du niveau de vie médian, met largement hors de portée des employés les moins bien rémunérés sans le secours des transferts sociaux.

Pour rappel, le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du niveau de vie médian. Ainsi, la frange de la population au-delà du seuil de pauvreté, mais sous le seuil de vie décente n’est pas cataloguée comme pauvre, bien que souffrant de difficultés budgétaires pour finir le mois. Au total, en additionnant les personnes pauvres et celles en insuffisance budgétaire, 35 % de la population est concernée.

Salaire "décent" en France en multiples du Smic selon les types de ménages, 2022Salaire "décent" en France en multiples du Smic selon les types de ménages, 2022

Les dépenses contraintes représentent les trois quarts des budgets de référence pris en compte pour le calcul des salaires décents. Par dépenses contraintes s’entendent les frais de logement, les assurances et services financiers, les frais de télécommunications et télévision et la cantine scolaire.

Ces dépenses, bien que contraintes, ont augmenté de pair avec un « accès à des biens et services qui améliorent le quotidien : les logements sont de meilleure qualité, on est mieux couverts par des assurances, on peut communiquer partout à tout moment (téléphone mobile), etc. ». À tel point que selon l’Observatoire des inégalités, leur part dans le revenu des ménages a plus que doublé depuis les années 1960.

La part des dépenses contraintes dans le revenu des ménages en France, 1960-2022La part des dépenses contraintes dans le revenu des ménages en France, 1960-2022

Cette augmentation de la part des dépenses incompressibles n’affecte pas les ménages de façon uniforme, car leur poids dans les revenus des ménages varie en fonction des niveaux de vie.

Pour le cinquième du bas de l’échelle des revenus, elles représentent près du tiers de leur revenu, contre moins d’un cinquième pour les plus riches, selon une étude de l’Insee. « Pour les ménages les plus modestes, les choix de consommation sont plus contraints », résument les auteurs.

Part des dépenses contraintes dans le revenu des ménages en France, 2022Part des dépenses contraintes dans le revenu des ménages en France, 2022

Pourtant, disposer d’un salaire décent présente des externalités positives pour ses bénéficiaires mais aussi pour la société, comme le démontrent plusieurs études américaines. Ainsi, les augmentations du salaire minimum sont corrélées à une réduction du taux de tabagisme chez les travailleurs disposant de faibles revenus : parce que des salaires plus élevés libèrent au moins partiellement du fardeau de la pauvreté, les gens récupèrent les capacités à arrêter de fumer.

Une augmentation du salaire minimum horaire d'un dollar permettrait de réduire de près de 10 % le nombre de cas de négligence envers les enfants, de diminuer le nombre de bébés présentant un faible poids à la naissance, de baisser la consommation d'alcool chez les adolescents et de diminuer le nombre de naissances chez les adolescentes. La liste est encore longue : il peut s'y ajouter une réduction de stress grâce à de meilleurs revenus, ou la capacité à mieux se nourrir en achetant des fruits et légumes.

L’augmentation du SMIC conduit à une réduction du « coût de la main-d'œuvre »

Néanmoins, malgré toutes informations chiffrées, pour le gouverneur de la Banque de France, « nous n'avons pas d'évaluation de telle ou telle mesure […] Mais je crois […] que dans la compétition économique, nos PME, nos entreprises ne peuvent pas être alourdies par des coûts salariaux excessifs, y compris le SMIC, et par des impôts trop lourds. Ça serait très mauvais pour l'emploi tout de suite, et très mauvais pour le pouvoir d'achat à terme ».

Rappelons que François Villeroy de Galhau, qui considère qu'un SMIC à 1 600 euros constitue un « coût salarial excessif », émarge en 2024 à près de 304 000 euros brut annuels, soit 14 fois le SMIC, en augmentation de 1,35 SMIC annuel par rapport à 2016, sans compter le droit à une indemnité de logement de 74 000 euros (25 % du salaire, équivalente à 4,4 SMIC annuels nets)... Or, l’IRES a produit une étude détaillée sur les effets de l’augmentation du SMIC, avec un verdict rassurant pour François Villeroy de Galhau, qui craint les « coûts salariaux excessifs » :

« Globalement, d’un point de vue macroéconomique, une hausse de +15 % du salaire minimum se traduit par une légère baisse du coût moyen de la main-d’œuvre. […] Une hausse généralisée des bas salaires à travers un relèvement du salaire minimum n’alourdit donc pas, d’un point de vue macroéconomique, les coûts salariaux des entreprises. »

Cette conclusion peu intuitive s’explique par la spécificité du barème des cotisations patronales. Comme l'explique l’IRES :

« […] la réduction générale de cotisations sociales est maximale au niveau du SMIC et s’annule pour des salaires égaux ou supérieurs à 1,6 SMIC. C’est également le cas pour la cotisation patronale à l’assurance maladie dont le taux est différent pour les salaires respectivement inférieurs ou supérieurs à 2,5 SMIC; ainsi que pour la cotisation aux allocations familiales dont le taux varie en fonction d’un seuil de salaire fixé à 3,5 SMIC. »

Le calcul des cotisations patronales dépendant du niveau du SMIC, changer son niveau revient à modifier le barème des cotisations sociales. Dès lors, si l’augmentation du SMIC de +15 % va de pair avec une hausse des salaires brut, elle s’accompagne aussi d’une baisse des cotisations patronales pour une majorité de salariés. La baisse des cotisations est plus importante que la hausse des salaires et conduit à une baisse du coût moyen de la main-d’œuvre.

Prenons l’exemple d’un salarié rémunéré aujourd’hui à 1,15 SMIC, soit environ 1 600 euros net par mois. Il perçoit un salaire brut de 2 032 euros auquel s’ajoutent 291 euros de cotisations patronales. Après la hausse du SMIC à 1 600 euros (+15 %), le salaire brut demeure inchangé, mais les cotisations patronales sont désormais de 65 euros, car la réduction de cotisations sociales devient maximale. Le coût salarial est alors de 2 097 euros, soit 226 euros de moins à débourser pour l’entreprise grâce aux exonérations de charges sur les bas salaires.

Evolution des coûts salariaux en fonction des niveaux de salaire avec un Smic à 1600 € net

En résumé, l’effet immédiat d’une hausse de +15 % du salaire minimum à 1 600 euros nets est d’augmenter le coût de la main-d’œuvre pour les 8 % des plus bas salaires, mais de le diminuer pour plus de la moitié des salariés dont le niveau de salaire est compris entre le 8e et le 64e centile de revenus. Au-delà de ce niveau de salaire, le coût de la main-d’œuvre est quasi inchangé.

Une telle hausse du salaire minimum augmente de +0,7 % le salaire brut en moyenne, tandis que le coût moyen de la main-d’œuvre diminue de -2 %. Autrement dit, cette légère hausse du salaire brut est plus que compensée par la baisse des cotisations patronales de sécurité sociale.

En revanche, si des hausses de bas salaires avaient été décidées de façon isolée par des employeurs, le résultat aurait été différent. Le barème des cotisations sociales n’aurait pas été modifié et la hausse des coûts salariaux serait alors plus importante.

En théorie, la hausse du SMIC devrait se propager par capillarité sur l’échelle des salaires, mais cela ne modifie pas les conclusions de l’IRES. En effet, pour éviter un tassement des salaires au niveau du SMIC, il est courant que les partenaires sociaux négocient de nouvelles grilles salariales. L’augmentation des salaires estimée par l’IRES est de +1,5 %, qui s’accompagne alors d’une réduction de -4 à -5 % des cotisations sociales.

Pour finir, la simulation des effets sur les entreprises de moins de 10 salariés qui emploient davantage de salariés à bas salaire reste faible, du fait que les hausses de coûts salariaux se concentrent sur un petit nombre de salariés à très bas salaires.

Les effets pervers d’une mesure vertueuse

Si l’augmentation du SMIC permet d’améliorer le niveau de vie de nos compatriotes les moins bien rémunérés, elle implique aussi des dommages collatéraux en diminuant les cotisations patronales qui financent les prestations sociales dont bénéficient les travailleurs. D’après les estimations de l’IRES, « plafonner les exonérations de cotisations sociales à 1,33 SMIC permettrait de maintenir le “rendement” des contributions sociales – à savoir le ratio des contributions sociales à la masse salariale – à son niveau actuel ».

Cette mesure, certes vertueuse puisque axée sur l’augmentation du salaire minimum, se fait hélas dans un cadre complètement mité. Depuis la mondialisation démesurée de l’économie des années 1990, les entreprises des pays développés sont mises en concurrence avec celles de pays dont les conditions sociales sont inférieures, c’est-à-dire dont les salaires sont bien plus bas et la protection sociale réduite voire inexistante.

Concomitant à l’explosion de la mondialisation, 1993 a marqué le développement des politiques d’exonérations de cotisations sociales et de cadeaux fiscaux aux entreprises pour « compenser » en partie cette « distorsion de concurrence ». Une distorsion de concurrence qui est, rappelons-le, l’objectif principal du néolibéralisme. Les entreprises françaises profitent alors d’exonérations de charges grâce à des aides de l’État (c'est-à-dire du contribuable), qui s’élèvent désormais à 160 milliards d’euros par an, soit un tiers du budget de l’État français ou l'équivalent du montant des bénéfices annuels des entreprises du CAC40.

Le manque à gagner pour le système de protection sociale lié à ces exonérations est quant à lui financé par… le contribuable. Il se substitue à l’employeur afin de soutenir le revenu des salariés les plus modestes via les impôts, la dette publique… ou encore la réduction des services publics sous le prétexte d’un État qui vivrait au-dessus de ses moyens (creusement du déficit public), les recettes diminuant du fait… des exonérations fiscales et sociales diverses accordées aux entreprises.

Photo d'ouverture : Manifestation organisée par des associations féministes et des syndicats contre l'extrême droite, Bordeaux, le 23 juin 2024. (Photo par Philippe LOPEZ / AFP)

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