Grâce au recours à l’article 49-3 de la Constitution française, le budget du fragile gouvernement Bayrou a pu passer en force. La censure a échoué à le faire tomber. Si certains crient au scandale démocratique, tant le recours à cet article – devenu la marque de fabrique de la macronie – se banalise, d'autres y voient l'expression d'un « parlementarisme rationalisé ». Or, l’argument selon lequel l’usage de cette arme juridique serait parfaitement légal et légitime est en réalité difficile à entendre. Parce qu’il s’inscrit dans une crise démocratique profonde qui prend la forme de la dépossession des citoyens français de leur souveraineté, l'article 49-3 apparaît de plus en plus comme une nouvelle matraque répressive.

publié le 21/02/2025 Par Frédéric Farah

Nos institutions sont en situation d’échec. Elles étaient la dernière illusion disponible pour nous laisser accroire à quelque chose comme un gouvernement fonctionnel ou une stabilité politique. Nous trouvons-nous face à ce que Pierre Bourdieu nommait « la dédémocratisation de la vie politique et la dépolitisation de l’économie » (1) ? Bourdieu visait par-là le processus par lequel, depuis le mitan des années 1980, les citoyens vivent une dépossession progressive de leurs capacités à inverser les orientations politiques et économiques des gouvernements. En somme, l’impotence élective est devenue la règle.

Les noms changent, les majorités se substituent les unes aux autres, mais le programme économique reste le même : l’adaptation à une globalisation financière et aux exigences européennes. Elles sont toutes les deux les seules boussoles de notre vie politique. La question de la richesse, de son partage et des règles qui l’anime est évacuée. Il ne nous reste que les fièvres identitaires jetées régulièrement en pâture.

Le Parlement a cessé d’être un lieu où se débattent des orientations fondamentales. Députés godillots ou en révolte, majorité compacte ou furieuse mêlée, rien ne change. D’un ensemble de mots, de déclarations ne sortent que du vent, des postures, et la caravane néolibérale continue sa route.

Nos élites politiques ont fait sécession, et le mouvement social, aussi important soit-il, ne trouve plus intérêt auprès des gouvernements. La mobilisation en 2005 contre le Contrat Première Embauche (CPE) a marqué la fin de la prise en compte des demandes des mobilisations traditionnelles. Après des manifestations monstres et une pression sur le pouvoir chiraquien, ce dispositif fut abandonné. Mais celles contre la loi travail de 2016, ou encore contre la réforme du lycée Blanquer en 2019 ou contre celle des retraites en 2023 ont été totalement ignorées du pouvoir politique. Et les gilets jaunes ont obtenu bien peu par rapport à l’ampleur des mobilisations engagées.

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