Depuis 2000, l’immobilier français est hors de prix

Au début des années 2000, le prix de l’immobilier en France a augmenté de façon spectaculaire, rompant avec des décennies de progression beaucoup plus lente, voire de stagnation. Cette hausse des prix de l’immobilier — particulièrement à Paris — a fortement dégradé le pouvoir d’achat des Français. Pour autant, les ventes de logements n’ont jamais été aussi nombreuses, alimentées par une hausse de l’endettement des ménages.

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publié le 07/10/2021 Par Élucid
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La bulle immobilière des années 2000 a marqué une rupture brutale dans l’évolution historique du marché immobilier français. Depuis les années 1960 jusqu’au début des années 2000, les prix de l’immobilier en France augmentaient lentement et de manière régulière. La seule exception fut un pic spéculatif en 1988, qui retomba rapidement.

À partir du début des années 2000, comme dans le monde entier, une bulle immobilière se forme en France avec l’essor du crédit et le développement de la titrisation. De 2000 à 2007, les prix des logements en France et à Paris augmentent ainsi de 75 %.

La crise des subprimes marque ensuite un coup d’arrêt à cette hausse : depuis 2008, les prix de l’immobilier français stagnent. Cette tendance ne se vérifie cependant pas à Paris, où la hausse des prix a repris de plus belle après 2008. Dans la capitale, les prix ont ainsi augmenté de 50 % depuis 2008 et de 180 % depuis 2000.

Le manque de constructions hors de cause

Le manque de construction de logements est parfois évoqué pour expliquer la hausse des prix de l’immobilier français. Pourtant, sur ce plan, la France fait partie des pays les plus dynamiques. En effet, avec une moyenne de construction annuelle d’environ 6 logements pour 1000 habitants depuis 2009, la France est le pays d’Europe qui bâtit le plus de logements par habitant, malgré une baisse consécutive à la crise des subprimes.

Après la période de construction massive des 30 glorieuses — avec un pic à 558 000 au milieu des années 70, soit 11 logements pour 1000 habitants — le nombre de logements construits avait baissé, pour atteindre 285 000 en 1990. Il était ensuite remonté drastiquement jusqu’en 2008 pour frôler les 500 000 constructions sur un an. Pourtant, parallèlement, le prix des logements français sur cette période s’est envolé. La corrélation entre hausse des prix et manque de construction est donc difficile à établir.

Des revenus qui ne suivent pas…

La hausse drastique des prix de l’immobilier aurait pu être moins douloureuse pour les ménages si elle avait été accompagnée par une augmentation similaire des revenus. Mais cela n’a pas eu lieu. Le graphique ci-dessous met ainsi en relation le prix des logements avec le revenu annuel des ménages. On constate clairement que le prix des logements pour les ménages entre 1964 et 2000 était stable, et suivait l’évolution de leurs revenus. Cette stagnation des prix avec de légères variations — de plus ou moins 10 % — est désignée sous le nom de « tunnel de Friggit ».

Avec la bulle immobilière, le prix des logements en fonction du revenu des ménages a augmenté de 70 % entre 2000 et 2007, soit un doublement par rapport au niveau des prix de 1985. Depuis, les prix stagnent à ce niveau très élevé.

Cependant, à Paris, la situation est différente. Alors qu’en 1991, la hausse soudaine des prix du logement dans la capitale n’avait pas duré et était retombée en l’espace de quatre ans, la hausse des prix parisiens ne s’est pas arrêtée après la crise des subprimes. Au contraire, elle a été de 50 % de 2009 à 2020, soit une augmentation cumulée de 182 % depuis 2000. Par rapport à son niveau moyen « historique » de 1965 à 2000, le prix de l’immobilier parisien rapporté au revenu annuel a ainsi été multiplié par trois, comme le montre le graphique ci-dessous.

Lorsque l’on s’intéresse aux prix des logements en Île-de-France, on constate d’ailleurs bel et bien la spécificité de Paris. En effet, en 2020, il n’existe qu’un écart de 70 % entre le prix moyen d’un logement de 70 m² en France et celui en Île-de-France, alors que cet écart est de 140 % entre l’Île-de-France et Paris. Autrement dit, alors que l’accès à la propriété est quasiment impossible à Paris, il reste abordable en périphérie de la capitale, tout en restant cher.

On peut cependant noter que la hausse des prix de l’immobilier en France ne se vérifie pas pour les loyers. Contrairement aux prix du logement à l’achat, les prix des loyers n’ont en effet pas suivi, et se maintiennent à un niveau à peu près constant depuis le début des années 1990, ce qui a dégradé la rentabilité locative.

… mais des ventes historiquement hautes

La hausse des prix de l’immobilier observée depuis 2000 n’a pourtant pas dissuadé les acheteurs d’acquérir des biens immobiliers. On peut, grâce à l’outil fiscal, disposer du montant de l’assiette des droits de mutation et donc du montant total des ventes d’une année.

Le graphique ci-dessous montre ainsi qu’en 2021, plus de 1,1 million de logements anciens ont été vendus, le chiffre le plus haut de l’histoire. Depuis les années 1960 jusqu’en 2005, la hausse des ventes avait été quasiment ininterrompue, pour atteindre 831 000 ventes en 2005. Puis elles étaient retombées à 595 000 avec la crise des subprimes, avant de réaugmenter.

À la suite de l’augmentation des ventes et la hausse des prix provoquée par la bulle immobilière, le montant annuel des transactions a donc fortement augmenté, et se situe en 2021 au niveau historique de 391 milliards d’euros, soit 15,3 % du PIB français.

L’accès à la propriété est donc devenu compliqué en France — en particulier pour les primo-accédants — car la bulle immobilière des années 2000 n’est jamais retombée. Un sondage Harris Interactive de mars 2021 indique d’ailleurs que seuls 28 % des Français considèrent que l’investissement immobilier est accessible à tous. Pourtant, il semble qu’ils n’y aient pas renoncé, comme en témoigne l’augmentation des ventes de logements, qui se situe désormais au plus haut niveau de notre histoire contemporaine. Ceci explique en partie l’accroissement de l’endettement immobilier des ménages depuis 2000.

La deuxième partie de cet article consacrée au marché immobilier et aux difficultés des emprunteurs est consultable ici : Le calvaire de l'emprunt immobilier

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